lundi 28 juillet 2014

Lumières












Dans le magenta des choses non dites, des choses dévidées, des choses martelées
dans le violet des affrontements
il y a, en filigrane, la lumière

La lumière de ce qui est
et la lumière de ce qui fut
et la lumière de ce qui sera

Dans le safran des larmes il y a les mots, tous ces mots balbutiés
comme des poèmes d'amour soudains silencieux
langues craintives

et la lumière
la lumière de nous
en brisures sur la peau

La lumière de ce qui est
et la lumière de ce qui fut
et la lumière de ce qui sera

Dans l'ocre des colères, il y a les gestes de nous, juste là
jamais loin, toujours blottis derrière nos yeux
en miroirs douceurs de nos batailles

et la musique
la musique de nous
en portées sur nos bouches

La lumière de ce qui est
et la lumière de ce qui fut
et la lumière de ce qui sera

J'entends ta voix, à jamais devenue ma voix
J'entends ton souffle a jamais devenu mon souffle
J'entends tes chants, moi devenue ton chant
et toi devenu mon chant

Regarde moi ouvrir les bras jusqu'à porter le ciel, les nuages, les oiseaux
et toi
toi qui m'est bijou
amour
papillon
duvet
douceur

La lumière de ce qui est
et la lumière de ce qui fut
et la lumière de ce qui sera

Je t'aime

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Barbara BEZINA)





dimanche 27 juillet 2014

Les petits mots













Les petits mots, les petits mots beignets, sucre,
les petits mots chauds, en corps d'enfants arrondis

Ces petits mots, et tous les autres petits mots,
les mots des mondes et les mots des mers
enfilés sur les épines des mots des riens

Les petits mots moucharabiehs, petits mots des yeux
les petits mots en écritures déployés

Ces petits mots des aurores, des soleils, des arbres
les mots de la bouche et les mots des coeurs
ciselés aux oreilles des danseurs de mots

Les petits mots, petits pots, petites perles
les petits mots en ailes des anges

Ces petits mots des enfants, des murs, des rires
les mots de lait et les mots de miel
caressés aux paupières des passeurs de mots

Les petits mots, mots marmites, mots riz
les petits mots en odeurs parfums

Ces petits mots des mariés, des jambes, des soupirs
les mots de toutes les nuits des mots
teints en mots indigos

les petits mots, tous les petits mots, les mots sourires
les petits mots naïfs, les petits mots langues

Les petits mots pointus, les petits mots amoureux, les mots arc en ciel

Et sur ta peau je les écris...

Mariem mint DERWICH

(Artiste : E. BRISSON)

samedi 26 juillet 2014

Racines










J'ai pris la main du vieil homme et nous nous sommes assis
en haut, tout en haut de la dune

là où le vent chuchote les mots
les mots qui volent

J'ai pris la main du vieil homme et il a fermé mon regard
lumière arrondie en empreintes sur ma mémoire

là où l'enfant court et joue
papillon brun aux sourires d'étoiles

J'ai pris la main du vieil homme et il m'a posée
sur sa cuisse noueuse, arbres, racines

là où j'entends mon sang chantonner
mes lignées en rondes ocres

J'ai pris la main du vieil homme et j'ai entendu sa voix
en moi faufilée, chaleur, images

là où le ciel est immense et les hommes façonnés
miroirs anciens des murs de pierres sèches

J'ai pris la main du vieil homme et j'ai oublié mon corps
tatouée en éternités sableuses, là bas

là où ma mère me dit les ailleurs de nous
mosquées en ombres, mélopées aiguës 

J'ai pris la main du vieil homme et nous nous sommes envolés
par dessus les nuages en formes crayonnées

là où le temps n'est pas, le temps n'est plus
odeurs des chapelets et des ombres des minarets

Le vieil homme a posé ses mains sur moi
cuir parcheminé, tendresse des tendons, durillons, histoires

et je suis née dans son sourire

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Huda mansour)

vendredi 25 juillet 2014

Femme des silences













A la porte de tes sommeils
je brode mes perles rouges
petites bêtes arrondies
en mots infinis

Femme tendresse
femme cachée
femme minuscule
femme absences

A la porte des tes nuits
je me mets en boule
animal furtif
enfouie dans l'obscurité

Femme baisers
femme effacée
femme désirs
femme silences

A la porte de tes nuits
je me suis arrêtée
dans l'outre allongée
yeux fermés

Femme rires
femme mots
femme ailleurs
femme sans nom

A la porte de tes yeux
j'ai creusé ma couche
noyée sous les sables
j'ouvre la bouche

Femme inspirations
femme étouffements
femme scarabée
femme offerte

A la porte de ta peau
j'ai posé mon front

et j'ai pleuré

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Paul Apal'kin)

mercredi 23 juillet 2014

Je le regarde













La lumière dans ses yeux
comme un matin à la porte allongé
un grand corps comme un oued
et ses mains moulées en puits

La lumière sur sa peau
à la portée de mes mots
un moment inspiration
et sa bouche sur mes doigts

La lumière en éclats de pierres
façonnée et pétrie
des espaces à ciel ouvert
et son rire dans mes cheveux

La lumière sur les murs
alanguie sur mon épaule
son dos comme une voile
et les notes sucrées, douces amères

La lumière sur sa joue
en histoire de Nous
ses bras en alcôves
et les murmures des silences

La lumière et lui et moi et Nous
en aurores sculptés
son regard d'homme

et moi en train de le regarder

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Gustav Klimt)

dimanche 20 juillet 2014

Donnez moi un nom













Donnez moi un nom
une identité
une marque
à laquelle je me dessinerais

Donnez moi juste un nom
un visage
une odeur
un corps

Donnez moi une vie
parmi toutes les vies
une petite vie
une vie anonyme

Donnez moi une chair
des os
une bouche
une couleur

Donnez moi des dunes
du sable
du vent
des cailloux

Donnez moi de vous
en caresses tendres
à inscrire sur ma peau
"Femme tu es notre"

Donnez moi un nom
mon nom
une respiration
une place

Donnez moi à moi même
que je devienne Vous
enfin
moi

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Marylin Kalish)


Gaza













il y a des enfants
beaucoup d'enfants
en écharpes sur les ciels

et les femmes
en prières de l'absent

il y a les vents, tous les vents
beaucoup de vents
en sangs, en tournoiements

et des soldats
en dents aiguisées, rasoirs

il y a les nuits
beaucoup de nuits
en dentelles lumineuses

et la peur
en aquarelles de sang

il y a les jours de feu
beaucoup de jours
en enfers fragmentés

et les morts
en chapelets évidés

il y a les larmes
beaucoup de larmes
en brûlures amères

et les chants des mosquées
en plaintes mortes

il y a les terres et les oliviers
beaucoup d'oliviers
en mémoires douloureuses

et il y a les voix
en sanglots imprimées

il y a la colère
beaucoup de colère
en Intifada crachée

il y a mes yeux, leurs yeux, nos yeux
en miroirs nausées

Gaza

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Céline Gauthier)



samedi 19 juillet 2014

Qui est elle?













Clair obscur
sur le mur blanc des multiples
je dessine mes visages

Chair, sang, souffles
mes mains, en fragments de doigts,
crucifixion
clous

Crier

Elle est là, elle est là bas, elle est ici
Qui est elle
quand elle tourne sur elle même
la femme sans yeux?

Qui est elle
la femme mendiante
la femme enfant
la femme désirs?

Pleurer

Il y a elle et il y a l'autre et l'autre et l'autre
ombres de vie
en lumières d'étoiles

Il y a le sang dans la bouche
et le visage empoigné aux miroirs
gravé, scarifié
douleur

Qui est elle
la femme perdue
la femme solitude
la femme en partance?

En oublis d'elle même
assoupie à l'ombre des cauchemars
elle rêve qu'elle est oiseau

Mariem mint DERWICH

(Artiste :
Mirjam Appelhof)






vendredi 18 juillet 2014

J'ouvre le ciel











J'ouvre les yeux aux lumières lointaines

En poèmes arrondis je murmure
en ton cou
mes mots d'absolus
Mes mains comme des ailes
aux frontières de ta peau

envols

J'ouvre ma bouche aux vents infinis

En moiteur sucrée
en ta bouche
mes mots désirs
Mes jambes comme des vagues
aux sables de tes yeux

amour

J'ouvre mes bras aux murmures

En houle profonde
en nos mains
nos ailleurs
Mon ventre comme un port
aux chants en notes fruitées

désir

J'ouvre mon âme à nos silences

En jeux chatouillis
en tes rires
ancres, embruns, sel
l'instant infini
Ma peau comme déroulée
à tes doigts sculptée

chanson

J'ouvre la terre à nos bouches

En tourbillons
je danse
je te borde dans mes cheveux
Je te porte aux débuts des mondes
J'ai refermé mes chevilles sur nous
et j'ai bu à ta bouche

J'ouvre le ciel

Tu

Mariem mint DERWICH


(Artiste : Fabian PEREZ)








Je suis la femme sans puits













Je suis la femme d'ailleurs
en errances perpétuelles
aux chemins de poussières

je suis la femme sans puits
sans lait, sans nattes, sans colliers
en abandons douloureux

Je suis la femme nomade
en aubes déchirées
aux portes allongée

Je suis la femme papillon
sans nom, sans tente, sans homme
en ruisseaux asséchés

Je suis la femme fantôme
en courbures arides
fantasmes et mirages

Je suis la femme sans passés
sans avenirs, en morts multiples

Je suis la femme en pleurs
dans la touffeur des aubes de solitude


Mariem mint DERWICH

(Artiste : Kubicki)

vendredi 4 juillet 2014

Voyages













As tu déjà senti le vent sur ton visage
comme des doigts amoureux
en frémissements
en robes envolées?

Dans la moiteur des voyages
as tu ouvert l'immensité de tes bras
touché les autres
bu leurs paroles?

As tu dessiné en bas relief de tes autres
la trame de tes étoiles
parlé aux arbres
tutoyé la  pluie?

En immersion de toi
as tu entendu les mots des nuages
en insectes lumineux
sur ta peau devenue eau?

As tu frôlé l'éternité dans un temple
la pierre des adieux
la mousse des yeux
ouverts aux étranges?

Dans les balbutiements de ton souffle
comme une montée infinie
as tu grignoté le sucré
en perles de nacres?

As tu offert ton cou aux espaces
dans la danse des ailes d'oiseaux
tout en douceurs
en ouvertures?

J'ai mes voyages à perpétuité
éternels recommencements
dans le bleu des lagons
le feu des sables
le vert des forêts
les printemps des aubes des hommes
le rouge des élans
le marron des marigots

As tu touché le monde?

mariem mint DERWICH


(Artiste : Emmanuelle Brisson)

jeudi 3 juillet 2014

Ma langue ( à mes fils)....













J'ai la langue roulée à toutes les langues,
animal d'ailleurs comme un accent sur ma mémoire

J'ai la langue en offrande, malaxée aux voyages
petits points en casquette à poser sur tes yeux

J'ai la  langue en abandons, en départs, en retours, en partance
ports, navires, à te donner en héritage

j'ai la langue en vrilles, volutes,  en plafonds de cathédrales
Murmurée à tes oreilles d'enfant , en chapelets prières

J'ai la langue en mains levées, boucle sur mes lèvres
enracinée dans mes enfances arc en ciel, orée des mondes

J'ai la langue primale, bercée à la hauteur de tes avenirs
salivée à l'odeur de ton corps potelé

J'ai la langue partagée en amours dentelles
caressée à l'aura de tes petits poings serrés

J'ai la langue des douceurs, bonbons de l'enfance
enrobée en fumées des désirs

J'ai la langue de ma mère, en bracelet chuchotis
enroulée dans mes doigts en envols

J'ai la langue en exil, douleur des départs
éternité des multiples de moi

J'ai ma langue, la seule que j'ai,
à t'offrir pour que demain ne soit pas mort
et que tu ouvres tes bras
au souvenir de nos mondes,
mon petit homme

En ma langue je te re crée

Ma langue des lendemains, tu es devenu.

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Gabriel Moreno)


mercredi 2 juillet 2014

Apesanteur










Il y a des petits cailloux blancs
et des sables qui brûlent

Et des forêts sombres, profondes
où j'entends des voix

Il y a des nuits cauchemars
et les cris des enfants qui meurent

Et des draps froissés, mouillés
où j'imprime mes poings

Il y a des eaux vertes et bleues
et des noyés moqueurs

Et des coups qui claquent
où je griffe les abîmes

il y a des chemins qui s'enfoncent
et des crucifiés en sanglots

Et des univers de sang
où je déchire mes yeux

Il y a des profondeurs de jaspe
et des pleurs d'enfant

Et des enroulements
où je cache mon corps

Il y a des respirations aïgues
et des étouffements

Et des endormissements
où j'impose mes vies

Il y a la vie en dessins déliés
et la paix, le silence,
l'absence

Mon corps en apesanteur....

Mariem mint DERWICH

(Artiste inconnu. Photo prise au Miam de Sète par Old Nut)