mardi 28 décembre 2010

l'élan le souffle le silence

le rêve de l'âme l'instant d'éternité
l'ombre transfigurée de ma mort
ce qui en moi vainement te cherche
tout commence et meurt avec les racines
calcinées du soleil sur le monde
car de toi me vient une part de lumière
mirage d'île sur l'écume de la mer

ainsi je ne dis pas, je chante
je brise la lumière pour que de toi elle se multiplie
je peins mes paupières aux couleurs de la terre
mes yeux se ferment sur une idée de la beauté
que tu portes comme une pudeur intime
je sème les pierres blanches de ma mort
je vole une minute de vie
à la courbe légère du temps
car de toi me vient une part de lumière
mirage d'île sur l'écume de la mer

je suis au monde comme un fruit
triste et heureux de la bouche qui l'embrasse
la voix de l'aube se mêle à la tienne
ainsi je ne dis pas, je chante
ce qui en moi vainement te cherche
depuis le jour où mes ombres
s'éparpillèrent autour de moi
crépuscule ébloui de la face d'un dieu barbare
le jour où une théorie d'oiseaux innocents
survola le mirage de mon île
rêve pur incisé dans la chair du temps
ainsi libre captive je m'achève et renais
avec la nuit ses miracles lumineux

                          *

apparu disparu avec l'impétuosité du printemps
comme un corps nu dans la lumière éteinte
une étoile lyrique dans la nuit ensorcelée
tu me gratifias d'une esquisse de sourire
depuis je célèbre le tumulte intérieur
ma folie de femme lentement détruite
puis reconstruite le profil d'un sourire
qui s'étend sur le silence de mon poème
femme de peu de mots qui écrit
qui écrit comme si elle savait comment

mon histoire a la tristesse à fleur de corps
l'aérienne innocence des ténèbres »

Amina Saïd,
La Douleur des seuils, Clepsydre/Éditions de la Différence, Paris, 2002


Salomé 

dimanche 26 décembre 2010

Noces de mort...

Nos mères ne nous apprennent pas les mots. Nous grandissons dans l'ignorance des choses de l'amour et sommes offertes en pâture à des nuits de noce fantasmées et craintes. A la veille d'un mariage les langues se délient et nous sont "expliqués" les hommes en général. Pas l'homme avec qui nous allons nous unir. "Les Hommes", choses bizarres aux désirs quasi bestiaux. En guise d'héritage féminin on ne nous offre que la peur de la défloration avec les descriptions terribles des douleurs que nous sommes censées ressentir. De plaisir, de demandes, d'acceptation de l'autre, d'amour, point... Seuls le sang de l'honneur et la souffrance nous sont offerts comme cadeau et préludes amoureux.
Les amies qui " y sont déjà passées" nous racontent chacune SA nuit de noce, le grand déchirement, les cuisses ouvertes, la honte de la nudité, la découverte du sexe masculin. On nous redit la pudeur obligatoire. Interdits les soupirs d'amour. Interdits les gestes du désir. Interdits les audaces amoureuses et les joutes des corps.
Seuls ne comptent que la dignité, l'honneur, le silence des filles "bien" et de "bonnes familles".
On ne nous parle pas de ça à nous les femmes. On ne nous parle pas, non plus, de cet homme qui va partager désormais notre lit et user de notre corps à volonté, au nom d'une terrifiante obligation de dire "oui" à chaque fois que notre amoureux devenu notre "seigneur et maître" voudra consommer. Il est devenu propriétaire de nos corps. Il peut en faire ce que bon lui semble. Il nous traitera de "mauvaise musulmane" si nous osons dire "non" un soir ou un jour. Et nos mères nous serineront, quand nous irons tenter de dire nos angoisses, que nos rôles de femmes sont ceux de l'acceptation.
Ignorantes des choses du sexe jusqu'à cette nuit de noce sanglante qui fait peur, nous sommes des proies faciles et fragiles. Nos corps promis à des nuits magiques deviennent alors, par le biais du mariage, le tombeau de tous les rêves.
Nous acceptons, alors, le calvaire de la femme qui ne ressent rien et qui ne vivra sa soif de plaisirs que par procuration.
Quand une société tue ses femmes dans ce qu'elles ont de plus beau, l'amour et le plaisir, que deviennent ses enfants élevés alors dans une misère sentimentale pathétique? D'autres tueurs par procuration...
Salomé

jeudi 2 décembre 2010

Femmes de douleur

Nous sommes toutes ces femmes de douleur, ces femmes de l'absence. Nous portons en nous ce deuil impossible qui fouette nos ventres.
Nous sommes unes et plurielles, toutes repliées sur le manque.
Nous sommes, soeurs de misère, veuves et affamées.
Nous sommes les Autres, les moitiés de ces disparus dans les enfers sanglants d'Inal, dans les sables, dans les vagues... Fantômes sans tombes....
Nous portons nos hommes comme des colliers de larmes accrochés au bord des rêves disparus.
Hommes devenus nos enfants dans une gestation perpétuelle, portés au long des années d'amnésie.
Nous les portons sur nos lèvres et chantons, dans la solitude des nuits de larmes, leurs noms comme un baiser de l'au delà.
Nous les avons modelés à l'aurore de nos peines.
Nous les avons appris à nos enfants sans pères.
Nous les psalmodions, doux grains de chapelets, caressés, tournés, malaxés.
Nous avons appris l'absence mais pas le deuil.
N'avez vous pas entendu nos hurlements de détresse?
N'entendez vous pas les noms de nos hommes partis à jamais?
Qui a pitié de la femme qui pleure dans les nuits de solitude?
Salomé.