samedi 30 mars 2019

B., l'homme sans terre...

Que restera t'il du monde arabe
quand la Palestine sera morte?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?
Où la honte est-elle tapie?
Dans les fusils des soldats
dans les yeux qui se ferment
sur la terre lointaine
Dans le silence de ceux qui s'indignent en détournant la tête?

Que restera t'il du monde arabe
et de l'âme des fontaines et des oliviers?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?
Qui écrit le ciel sous les bombes des avions?
Dis moi, que restera t'il de notre âme, dis moi?

Qui dessine la terre et les maisons et les bulldozers?

Tu déposes tes yeux en mes mains
tu me racontes que tu es fils d'une terre sans terre
tu pleures
Qui écrit l'histoire, tu me dis, qui écrit l'histoire?
Qu'écriront ils sur ma tombe
moi sorti du ventre de ma mère
numéro sur une feuille
qu'écriront ils sur ma tombe
moi qui n'ai pas de papier?

Que restera t'il du monde arabe
quand la Palestine aura disparu?
Qui écrit l'histoire, dis moi, qui écrit l'histoire?

Où sont les oliviers de mon grand-père
la voix de Mahmoud Darwish
le parfum des petits matins
le rire des enfants?

Que restera t'il du monde arabe, dis moi, dis moi,
quand la honte aura éteint le monde?
Que restera t'il du monde arabe
à moi qui n'ai pas de nom?

Qui écrit l'histoire, dis moi, dis moi ?
Qui écrit le sang et la douleur?

Que restera t'il du monde arabe hormis la honte?

Dis moi, dis moi, qui écrit mon histoire?
Dis leur que je suis fils sans terre, sans nuages, sans ciel
Dis leur...
Dis moi, dis moi, qui écrit mon histoire?
Qui dira mon nom, dis moi?

Dis moi...

Mariem mint DERWICH

mercredi 27 mars 2019

Fractales

Une absence
miettes, doigts perdus sur un livre
mes nuits
puzzles
Émietter un mot
un mot après l'autre
dépouiller jusqu'au bruit
                         - une absence est un silence lancé aux vents -
fermer sa langue
froisser un foulard
                         - ton absence est un silence lancé aux vents -
Au bout du monde
un grain de sable
mes aubes
Plus de corps
mains ouvertes

S'allonger aux frontières
terres mers déserts
semer des gestes
fractales, lumières

Compter dans le noir
retenir son souffle
le coeur écrit un battement
chiffres magies d'une femme absence
fractales, le mur
fractales, le mur
La nuit vient de balbutier
                         
                           -  absence, silence, vents  -

J'émiette une absence
je construis ma maison de la côte
j'allume la lampe
pour qu'un voyageur habite un chemin du retour
J'ouvre le livre des voiles
La mer monte

Silence, vents

Mariem mint DERWICH









samedi 23 mars 2019

Nuit du bord du monde

Au bord du monde
Une femme
compte les étoiles dans l'eau
Et la nuit s'allume

Arpenteurs d'infinis

Ma bouche à tes silences

Ne dis rien,
je dors en ta paume

Un mot émiette l'absence

Ne dis rien,
je dors en ta paume,
je compte les étoiles dans l'eau
Et la nuit s'allume

Mariem mint DERWICH





jeudi 21 mars 2019

Entre une marée basse
et une marée haute
mes chevilles colliers de sable,
bagues de sel, orteils
Une algue écrit une île
Entre une marée basse
et une marée haute
un bateau
Et un sommeil...

Mariem mint DERWICH

dimanche 17 mars 2019

La première nuit du monde...

Une musique pour les nuages
et une musique pour le ciel
une musique pour la femme
une musique pour l'homme
une portée qui s'écrit soudain plurielle

L'heure des oiseaux qui rejoignent la mer
le vent salé
le mouillé sur la peau
la première étoile
la première nuit
la dernière nuit

Un phare s'éveille

Mouvement de la vague qui monte
marées
forêts marines

Et une prière pour l'horizon qui s'habille de pourpre

Une main immense posée sur mes yeux
une voix qui s'enroue dans une note
le bout du monde gouté à une bouche
l'argent d'une étoile

L'heure muette du vol de ceux qui sont libres
l'heure marine
l'heure des terres et des ports
l'heure sans temps

Un silence prend la couleur des histoires du fond de la mer
La nuit balbutie le battement de coeur d'un phare

Pénombre vivante
mes yeux battent la mesure de l'instant qui s'est arrêté
ils écrivent les mots et la musique

Un homme s'est endormi
il rêve qu'il vole
il rêve une voile si infinie qu'il ne reviendrait plus de derrière l'horizon
arpenteur et homme debout
il rêve pour que ma main se pose à sa respiration

Un phare danse une nuit, le présent et l'éternité
il n'a pas de passé
il ne bat que de l'avenir de la seconde qui s'en vient
l'homme de la mer ne vit pas l'avant
il est né pour la seconde contenue dans la seconde

L'heure intime
Grands larges
temps muet
temps du voyage
temps de l'épure
Le chant de la mer a effacé l'horloge

Un homme et une femme dorment

C'est la première nuit du monde.

Mariem mint DERWICH




mercredi 13 mars 2019

Mon si lumière, mon si frisson,

mon écriture repart ce soir en des nuits où dans ton sommeil tu te retournais soudain et ton corps qui bordait mon monde. Et moi les yeux ouverts à écouter ta chaleur, surtout ne pas bouger, ne pas rompre la magie de ta main sur ma peau et ton sommeil pour horizon.
Rester immobile pour garder ton souffle en ma nuque, l'arrondi de ton corps au mien, le léger tempo de ta respiration. Être sensible à tout, entendre chaque soupir de la maison, le grain feutré de l'air dehors qui s'endort dans la brume venue du large, la fraicheur sur ma peau, la lumière qui balaie la chambre, toi qui dors contre moi.
Dans ma tête une autre page tourne, elle ouvre sur une plage où je suis bien. Je suis dans la rondeur amoureuse et dans la plénitude. Je ne bouge pas : je n'ai jamais connu ceci, cette harmonie douce, ta grande main d'homme mien posée sur ma peau.... Je n'ai jamais connu cela... Comment ai je vécu sans ces nuits où tu dors près de moi, le monde accroché aux fenêtres, à l'obscurité pâle de ces nuits de là bas ? Comment ai je pu penser que je vivais alors?
Ce soir je suis toute repliée en ta main et ton bras qui se fait lourd sur mon bras... Et j'aimerais qu'il soit encore plus lourd, qu'il m'enfouisse en toi, qu'il ne me laisse pas partir, qu'il se tatoue à ma peau. Je suis bien en ton bras qui me tient, ton bras qui me dit que je suis tienne. Je ne suis pas de ces gens qui parlent d'indépendance ou autre. Moi je t'aime en me sentant tienne, absolument tienne, t'appartenant parce que j'ai choisi de t'appartenir et que cela me rend heureuse. Tu ne me tiens pas prisonnière : tu me retiens en toi, en nous. Et cela n'est pas prison. Cela est amour.
Cette nuit je suis en nous, là où l'odeur de sel et l'odeur de l'herbe mouillée s'allongent en la pénombre habitée par une lumière amante. Je suis en nous et je t'écoute dormir en ma peau. Et j'écoute mon coeur qui est en paix, la certitude que je suis enfin chez moi en ce bras qui me tient.
Cette nuit je suis femme arrivée au bout de la route. Rien d'autre n'existe que la poésie en moi, celle qui te parle sans paroles, celle qui parle à ton sommeil. Je prends ta main endormie en ma main, le dur des phalanges, la douceur de la peau, la moiteur, le délié de ta si belle main d'homme, ta main de bâtisseur, ta main amour, ta main aux autres, ta main à moi....
Je suis bien, si bien... Je peux laisser la nuit me prendre : tu es là, tu me protèges, je t'aime, tu m'aimes en ton corps endormi au mien, mon homme chaud, chaud, lumineux....
Je t'aime.
Une dernière fois mes paupières ouvertes pour graver en ma mémoire une nuit du bout du monde en la tendresse amour d'un homme mien...
Puis t'emporter en mon sommeil...
Tu vis pour l'infini en mes sommeils, pour l'infini... Je ne respire que dans cette mémoire : tu y es...
Je t'aime.
MMD

mardi 12 mars 2019

Je t'amour mémoire.

Poser une lettre après l'autre et un paysage devient multiples des mondes, un monde en un monde, un monde qui ouvre un monde intérieur; poser un accent sur des rochers, une virgule sur un ciel de fin de jour, des points pour suivre les chemins des grands oiseaux, déchirer l'air, l'ouvrir à tous les vents, petits papiers odorants et une marée qui monte...
Écrire les espaces. Les porter. Une mémoire est ma maison, j'ouvre les fenêtres, j'accroche un souvenir aux murs transparences, je froisse les draps d'un lit pour que des fantômes endormis s'en aillent au bout de leurs sommeils attraper le soleil rouge qui lève les jours dans les brumes de la mer, je dessine une musique, j'écris une lettre qui ne partira jamais, j'endors un enfant en ma voix et mes bras, je parsème sa nuit à venir d'histoires et je le berce entre les pages d'un livre, j'essaime un désordre familier, je range des chaussures qui racontent les chemins de la côte, les voyages lointains, la parole de la terre, le mouillé des herbes sous la semelle, le sable enfoui, le salé des algues, le moiré somptueux de l'eau mer et le pied arpenteur qui va toujours plus loin. Je laisse la porte de ma mémoire maison ouverte pour que les étoiles y entrent la nuit et s'enfuient aux petits matins rosée, je traverse un jardin doucement, petits pas, petits pas, je prends un livre en mes mains, j'écris l'odeur du café et l'amertume sucrée sur la langue. Je déroule mes doigts à ta peau, doucement - ne pas effrayer le frisson soudain - je laisse la trace fugitive d'un mot d'amour en ta paume pour que tu laisses s'envoler le petit mot aimant au gré des paysages et que je le rattrape à ta main qui, soudain, reprend la mienne, le doux, le puissant de 2 mains qui s'aiment...
Dans ma mémoire maison je marche doucement et j'écoute les murs... Il faut entendre. Il faut entendre car, bientôt, mes yeux seront aveugles et ne me resteront que les murmures.
La mémoire se fait soudain sons... Les sons touchers, les sons rires, les sons soupirs, les sons silences, les sons aimer, les sons mots et les sons peau...
Je te regarde dormir dans ma mémoire maison, je te sens de tous mes regards amants, j'en fais des mots à poser à ta bouche pour qu'un jour tu te souviennes que tu es poésies et qu'il suffit de s'aimer pour libérer la beauté en nous. Je te regarde dormir. Le monde a retrouvé son axe dans les grandes ondes de mon coeur. Mouvances et ta respiration apaisée. Et moi qui dénoue la statue de pierre, moi qui apprend qu'un homme endormi dans le calme d'une après midi douce m'est port, abri, tendresse, lien, ancre, charnel, vivant, si vivant derrière ses yeux fermés et dans le battement lent de sa respiration.
Je te regarde dormir. Ma mémoire maison est voilier dans l'immensité d'un homme et d'une femme qui s'aiment. Autour de nous la mer. Nous sommes alors devenus phare, ce phare qui nous attendait depuis tant de temps, qui a regardé l'horizon sans faiblir, défiant tempêtes et nuages, pour que nous trouvions le chemin de lui et nous rende à nous, à l'autre. Nous sommes devenus ce phare et sa lumière. Ce phare qui m'a appelée depuis tellement et tellement, tant et tant et que je cherchais à travers les histoires de mer que j'écoutais alors... J'étais en route vers lui et vers toi. Pour ma mémoire maison, pour qu'une histoire d'amour redevienne vie et vérité.
Je te regarde dormir et ta femme du bout du monde respire soudain femme ancrée.
Je deviens immobilité. Enfin. Enfin... Je suis en vie et tu es là.
Dehors, dedans.... Et nous... Une femme et son homme.
Je t'aime.

MMDERWICH





dimanche 10 mars 2019

Dérives...

Pour t'aimer
je dépouille ma peau 
mon visage et ma bouche et mes mains
j'effeuille mes yeux, aveugle pour te voir
je rends l'eau aux sables
je tords les temps
la fin est commencement
temps du rien
temps du tout
temps mon homme
le commencement est perpétuité

Je redeviens jeune fille
khôl, parfums, soie, jambes, flancs, seins, odeurs
Je suis fière, je suis la pluie, je suis bateau
Je suis métisse ta peau, je suis métisse ton corps
Je tresse mes désirs, je tresse l'amour
en cheveux étalés sur une lettre infinie

Je lave mon sang
je quitte mon père
je deviens mes mères et les mères de mes mères
je suis la note sur une corde
tribu perdue, la voix du poète
soleil blanc, soleil ta bouche
soleil mon amour

Pour t'aimer
j'invente une terre, îles mers, îles dunes
je dépose mes fatigues

Je suis cette femme qui court
bras ouverts sur les larges
Elle court pour t'aimer
avant la fin des jours
avant la mort des étoiles
soleil rouge, soleil noir
verticale de mon ventre
ombre de ta silhouette
l'ombre de l'ombre
l'ombre et la lumière
après les vents 
ta voix

brûlures, béances
morceaux de moi
dérive des mots
folie sagesse
mon amour, mon amour
je suis celle-là et celle-ci
mon amour, mon amour

Pour t'aimer
je m'éveille nom
nom tes mains, nom ton rire
nom de moi

Je t'écris

Mariem mint DERWICH


Reprendre ma lettre d'un bord de moi, d'un bord de nous, dans la tendresse paresseuse d'une fin d'après midi.
La reprendre pour qu'une mémoire se fasse lumières. Raconter la douleur du vide mais aussi la plénitude du sentiment amoureux. Raconter que je t'aime. Même dans cette petite fissure en moi.
Écrire parce que nous sommes aussi écriture, une femme et son homme dessinés à l'infini des mots et de la poésie.
Repartir sur le chemin de l'absence présence, dans ce qui bouge en moi. Dans ce toi qui m'habite.
Redire ma prière amante.
Pour tes yeux posés dessus, pour mes doigts qu'ils effleurent. T'aimer ainsi. Comme je t'aime depuis tant de temps, familiarité amoureuse. Je t'aime.
Briser le manque. Je t'aime dans ce manque, même si cela me fait mal. Je t'aime même quand je ressens parfois de la colère envers toi.
T'aimer aussi dans l'impatience.
Je t'aime. En tant qu'homme mien, gardienne de nous, gardienne de ce qui fut et de ce qui est.
Peut être te rendre aux rêves. À toi.
Homme mien.

Mariem mint DERWICH

La baleine bleue...

Une petite fille murmure à une femme
les contes de la baleine bleue
contes des infantes perdues
poétique des profondeurs marines
phares du bord du monde
les étoiles inversées 
les jambes qui battent les aubes crépuscules
et les mains prières amantes

Elle chuchote qu'il faut laisser le ciel aux goélands
les bateaux aux marées
les corps aux vents qui battent les côtes
les yeux aux coeurs
le bleu à la baleine qui trame la mer
une femme à un homme

- ma bouche au creux de ta main -

Le monde déborde en des lointains 

À un chemin de landes et de voiles
une femme écrit sur un corps
bouts de bois assemblés
lettres tremblantes
à l'épaule caresser l'alphabet
le mot d'amour
et le chant de la baleine bleue

- je marche -

Je marche pour qu'un phare vive

- je marche -

Nomade du bout du monde
j'encre mon regard à l'horizon
j'ancre mon regard à la mémoire
pour que la baleine bleue
en ses voyages lointains
dessine tous les bleus des notes amoureuses
les bleus indigos
les bleus de l'eau
pour qu'une baleine bleue dépose en l'homme 
du bout du monde
la lettre d'une amante
la lettre bleue

- un phare m'attend, gardien de l'éphémère -

Nous sommes...

Mariem mint DERWICH