jeudi 8 décembre 2011

Femme je suis...













Dans les pleins et les déliés de ma mémoire dansent toutes les empreintes.
Femme buvard, porteuse d'eau et de larmes.
Femme fatale des fantasmes.
Femme enfant, celle du père, cet absent des constructions mentales.
Femme des autres, ceux qui disent "fais, sois, donne, reste!"
Femme des dunes de l'histoire
et femmes des défaites et des victoires.
Femme henné et parfums et odeurs et lait et chatouillis.
Femme ventre, fils et filles, perpétuation de l'espèce.
Femme enfantement.
Femme esclave, niée, objet.
Femme métissée des frontières des mémoires collectives.
Femme sang, menstrues, douleurs, honneurs.
Femme, folie, marabouts, gris gris, tiédé et leghzana.
Femme des combats.
Femme jalousie.
Femme amante, sensuelle, envolée.
Femme excisée, écorchée, griffée.
Femme libre, chaînes et khessal des rêves.
Femme bracelet, femme bijou.
Femme calebasse, guerba, tissus.
Femme rondeurs, fesses charnelles, plis cachés.
Femme prières et cris.

Dans les pleins et les déliés de ma mémoire,
femme atome, en ronde perpétuelle,
implosion, explosion, naissance.
Femme je suis....

Salomé.

Que Dieu ait pitié de nous...

Dieu qu'il est difficile d'être femme en ces temps de "printemps" ou "révolution" arabes! Dieu que c'est difficile, tout court..Avant, après, pendant....
Comme si  le coeur des discours religieux ne pouvait battre qu'à l'orée des fantasmes féminins.
Comme si la femme était LE problème, le seul, l'unique. Celle par qui tout péché arrive et par qui toute expiation devrait passer.
Comme si nous étions les symboles du mal. Du mal absolu mais aussi de la beauté, de la tentation, du haram... Awa et le péché originel....
Mémoires perclues de nos islamistes New Age qui mêlent tous les non dits, les frustrations.
"Printemps" après "printemps", femmes, nous nous retrouvons dans les modélisations d'espaces socio culturels qui se construisent à la hauteur des fantasmes projettés sur la femme.
Il ne suffit pas de nous couvrir. Il faut nous "tuer" symboliquement, nous cantonner aux rôles qui nous sont présupposés dévolus : mères, gardiennes d'un ordre patriarcal, femmes, vertus, dignité, pudeur, honneur...
Cachez donc ces corps qui ne sont que tentation pour les hommes ! Voilez! Enfermez! Niez!
Effacez donc toute trace de l'humanité féminine pour que les hommes se sentent enfin "libres" !
Dans certains pays on lapide. Dans d'autres on flagelle. Dans d'autres on entame le processus de négation des femmes, avec l'assentiment et le consentement de certaines femmes.
Dans d'autres pays, encore, on tue les bébés filles à la naissance.
Petit à petit la parole religieuse présentée comme réformatrice ( les nouveaux barbus se désignent eux mêmes comme Islamistes Réformateurs) s'insère partout.
La femme est devenue le symbole de tous nos maux. Comme si la vue d'une femme dévoilée avait un impact économique! ou bien, comme si la femme jouissant des mêmes droits que l'homme était un frein au développement!
On entend les nouveaux discours qui indexent ce qui a fait la beauté de nos civillisations arabo musulmanes.
Il faut effacer la poésie, la poésie amoureuse.
Eradiquer le Ghazal, ce poème d'antan, où le poète chantait l'amour et la liberté, la beauté des femmes et la séduction comme lien social de désir.
Eradiquer le Rubbayyat, ce quatrain délicieux venu des mémoires persannes.
Eradiquer la musique et la poésie profane.
Eradiquer l'amour....
Oublier que la poésie arabo musulmane est l'une des plus belles poésies du monde! Avec la femme comme objet central, la reconnaissance de la femme en tant qu'égal de l'homme.
Aujourd'hui un Djalal od Din Rumi serait décapité en place publique. Un Abu Nawass, délicieusement pervers et amoureux des hommes, serait lapidé, insulté, égorgé...
Un Nizzar Kabbani serait brûlé....
Alors, en souvenir de ces temps anciens où les barbus n'avaient pas encore gagné et où l'homme se reconnaissait à l'aura des femmes, ces rubbayyat de Djalal od Din Rumi  ( 13 °siècle):

"J'ai couru au jardin et j'ai cueilli une rose.
Je craignais d'être vu par le jardinier.
J'entendis la voix du jardinier me dire:
Qu'est-ce qu'une rose, je te donnerai la roseraie."

"En souvenir de ta lèvre, je baise le rubis de ma bague;
N'ayant pas celle-là, je baise celui-ci.
Ne pouvant atteindre ton ciel,
je me prosterne et je baise la terre."
Dieu qu'il est difficile d'être femme!
Que Dieu ait pitié de nous....

Salomé.


jeudi 1 décembre 2011

Envole moi...





















Dans mes nuits de solitude j'ai ployé mes cheveux pour t'y emprisonner
j'ai fermé mes mains sur ta bouche
j'ai plié mes bras à l'infini des frontières de ta peau

Dans mes nuits de solitude j'ai enfermé mes chevilles dans la rondeur
des gestes de l'amour

Dans mes nuits de solitude j'ai fermé tes yeux
et écris sur ta peau les mots de l'absence
gravé mes murmures pour que tu n'oublies pas

Dans mes nuits de solitude j'ai plié mes jambes dans l'absolu
des gestes d'amour

Dans mes nuits de solitude j'ai dormi dans ton odeur
posé ma bouche sur ton épaule
envolé mes peurs

Enferme mon visage et mon regard et ma peau et mes doigts..;
Envole moi...

Salomé.
J'entends souvent autour de moi mes amies dire que l'on ne peut pas faire confiance aux hommes, qu'il faut toujours surveiller, épier. La phrase la plus souvent entendue est " l'africain et, en particulier, le mauritanien, est un coureur".  Et d'élaborer des stratégies de "mise sous tutelle" conjugale, traquant les coups de fils, les déplacements, allant jusqu'à, parfois, suivre son mari ou petit ami en voiture. Quand ça ne se termine pas par la grande scène finale, avec cris, indignations, menaces....
Nos femmes aiment leurs hommes mais ne leur font absolument pas confiance. Ou, plutôt, elles aiment l'idée qu'elles ont de leur homme et d'elles mêmes sans se poser, souvent, les bonnes questions. Et l'idée qu'elles se font du mariage.
Car si, avant le mariage, tout est suggéré et érotisé, passé le jour des noces, nos femmes changent. Partant du fameux principe de la pudeur ( la sahwa) finis les fantasmes et les délices entrevus lors de flirts parfois poussés. Nos hommes se retrouvent alors avec LA femme bien, celle qui ne montre pas, celle qui ne donne pas, celle qui n'exprime pas, celle qui semble subir l'acte sexuel comme une obligation, somme toute assez désagréable, mais chemin obligé du mariage. Avec ce tout petit truc propre à nos femmes qui fait que l'homme revient.
Si nous, femmes, avons besoin de sentiments et de jeux amoureux, c'est pareil pour nos hommes.
Ils ont autant besoin que nous de jeux, de désirs, de demandes, de chuchotis. Ils aiment les gestes de l'intimité. Ils aiment que leur soit montrés nos désirs.
Comment s'étonner que nos hommes aillent voir ailleurs si dans leur couple nulle place à l'érotisme et à l'amour? Comment en vouloir à un homme qui va chercher ailleurs ce que sa légitime ne lui donne pas, à savoir le sentiment d'être désiré, fantasmé et aimé?
L'amour, pour s'épanouir, a besoin des choses de..l'amour. Celles du corps et des sentiments.
Je dis à mes amies, souvent : " lui dis tu que tu as envie de lui? Lui montres tu ton envie de lui? L'aimes tu pas seulement avec la morale et la pudeur mais aussi avec ton corps et tes sentiments? Montres lui tu tes jouissances? Lui dis tu tes envies?". A chaque fois j'ai droit au sempiternel " chez nous ça se fait pas".
Alors " si ça ne se fait pas", ne t'étonnes pas que ton homme aille se chercher dans les yeux d'une autre!
Lui qui cherche, au travers de ton corps, le sentiment d'être. L'amour est partage, pas sahwa.
Il est gestes et caresses. Il est baisers et salives. Il est érotismes et gourmandises. Il est envols et dons. Il est naissance perpétuelle et renouvellée. Il est plaisirs.
Sommes nous si handicapés de l'amour que nos hommes "baisent" avec leur femme et font l'amour avec leur maîtresse?
Sociétés excisées...
Salomé.