mardi 28 décembre 2010

l'élan le souffle le silence

le rêve de l'âme l'instant d'éternité
l'ombre transfigurée de ma mort
ce qui en moi vainement te cherche
tout commence et meurt avec les racines
calcinées du soleil sur le monde
car de toi me vient une part de lumière
mirage d'île sur l'écume de la mer

ainsi je ne dis pas, je chante
je brise la lumière pour que de toi elle se multiplie
je peins mes paupières aux couleurs de la terre
mes yeux se ferment sur une idée de la beauté
que tu portes comme une pudeur intime
je sème les pierres blanches de ma mort
je vole une minute de vie
à la courbe légère du temps
car de toi me vient une part de lumière
mirage d'île sur l'écume de la mer

je suis au monde comme un fruit
triste et heureux de la bouche qui l'embrasse
la voix de l'aube se mêle à la tienne
ainsi je ne dis pas, je chante
ce qui en moi vainement te cherche
depuis le jour où mes ombres
s'éparpillèrent autour de moi
crépuscule ébloui de la face d'un dieu barbare
le jour où une théorie d'oiseaux innocents
survola le mirage de mon île
rêve pur incisé dans la chair du temps
ainsi libre captive je m'achève et renais
avec la nuit ses miracles lumineux

                          *

apparu disparu avec l'impétuosité du printemps
comme un corps nu dans la lumière éteinte
une étoile lyrique dans la nuit ensorcelée
tu me gratifias d'une esquisse de sourire
depuis je célèbre le tumulte intérieur
ma folie de femme lentement détruite
puis reconstruite le profil d'un sourire
qui s'étend sur le silence de mon poème
femme de peu de mots qui écrit
qui écrit comme si elle savait comment

mon histoire a la tristesse à fleur de corps
l'aérienne innocence des ténèbres »

Amina Saïd,
La Douleur des seuils, Clepsydre/Éditions de la Différence, Paris, 2002


Salomé 

dimanche 26 décembre 2010

Noces de mort...

Nos mères ne nous apprennent pas les mots. Nous grandissons dans l'ignorance des choses de l'amour et sommes offertes en pâture à des nuits de noce fantasmées et craintes. A la veille d'un mariage les langues se délient et nous sont "expliqués" les hommes en général. Pas l'homme avec qui nous allons nous unir. "Les Hommes", choses bizarres aux désirs quasi bestiaux. En guise d'héritage féminin on ne nous offre que la peur de la défloration avec les descriptions terribles des douleurs que nous sommes censées ressentir. De plaisir, de demandes, d'acceptation de l'autre, d'amour, point... Seuls le sang de l'honneur et la souffrance nous sont offerts comme cadeau et préludes amoureux.
Les amies qui " y sont déjà passées" nous racontent chacune SA nuit de noce, le grand déchirement, les cuisses ouvertes, la honte de la nudité, la découverte du sexe masculin. On nous redit la pudeur obligatoire. Interdits les soupirs d'amour. Interdits les gestes du désir. Interdits les audaces amoureuses et les joutes des corps.
Seuls ne comptent que la dignité, l'honneur, le silence des filles "bien" et de "bonnes familles".
On ne nous parle pas de ça à nous les femmes. On ne nous parle pas, non plus, de cet homme qui va partager désormais notre lit et user de notre corps à volonté, au nom d'une terrifiante obligation de dire "oui" à chaque fois que notre amoureux devenu notre "seigneur et maître" voudra consommer. Il est devenu propriétaire de nos corps. Il peut en faire ce que bon lui semble. Il nous traitera de "mauvaise musulmane" si nous osons dire "non" un soir ou un jour. Et nos mères nous serineront, quand nous irons tenter de dire nos angoisses, que nos rôles de femmes sont ceux de l'acceptation.
Ignorantes des choses du sexe jusqu'à cette nuit de noce sanglante qui fait peur, nous sommes des proies faciles et fragiles. Nos corps promis à des nuits magiques deviennent alors, par le biais du mariage, le tombeau de tous les rêves.
Nous acceptons, alors, le calvaire de la femme qui ne ressent rien et qui ne vivra sa soif de plaisirs que par procuration.
Quand une société tue ses femmes dans ce qu'elles ont de plus beau, l'amour et le plaisir, que deviennent ses enfants élevés alors dans une misère sentimentale pathétique? D'autres tueurs par procuration...
Salomé

jeudi 2 décembre 2010

Femmes de douleur

Nous sommes toutes ces femmes de douleur, ces femmes de l'absence. Nous portons en nous ce deuil impossible qui fouette nos ventres.
Nous sommes unes et plurielles, toutes repliées sur le manque.
Nous sommes, soeurs de misère, veuves et affamées.
Nous sommes les Autres, les moitiés de ces disparus dans les enfers sanglants d'Inal, dans les sables, dans les vagues... Fantômes sans tombes....
Nous portons nos hommes comme des colliers de larmes accrochés au bord des rêves disparus.
Hommes devenus nos enfants dans une gestation perpétuelle, portés au long des années d'amnésie.
Nous les portons sur nos lèvres et chantons, dans la solitude des nuits de larmes, leurs noms comme un baiser de l'au delà.
Nous les avons modelés à l'aurore de nos peines.
Nous les avons appris à nos enfants sans pères.
Nous les psalmodions, doux grains de chapelets, caressés, tournés, malaxés.
Nous avons appris l'absence mais pas le deuil.
N'avez vous pas entendu nos hurlements de détresse?
N'entendez vous pas les noms de nos hommes partis à jamais?
Qui a pitié de la femme qui pleure dans les nuits de solitude?
Salomé.

lundi 22 novembre 2010

JE LIS TON CORPS ET… ME CULTIVE

Le jour où s'est arrêté
Le dialogue entre tes seins
Dans l'eau prenant leur bain
Et les tribus s'affrontant pour l'eau
L'ère de la décadence a commencé,
Alors la guerre de la pluie fut déclarée
Par les nuages
Pour une très longue durée,
La grève des vols fut déclenchée
Par la gente ailée,
Les épis ont refusé
De porter leurs semences
Et la terre a pris la ressemblance
D'une lampe à gaz.

II

Le jour où ils m'ont de la tribu chassé
Parce qu'à l'entrée de la tente j'ai déposé
Un poème
L'heure de la déchéance a sonné.
L'ère de la décadence
N'est pas celle de l'ignorance
Des règles grammaticales et de conjugaison,
Mais celle de l'ignorance
Des principes qui régissent le genre féminin,
Celle de la rature des noms de toutes les femmes
De la mémoire de la patrie.

III

O ma bien aimée,
Qu'est-ce donc que cette patrie
Qui se comporte avec l'Amour
En agent de la circulation ?
Cette patrie qui considère que la Rose
Est un complot dirigé contre le régime,
Que le Poème est un tract clandestin
Rédigé contre le régime ?
Qu'est-ce donc que ce pays
Façonné sous forme de criquet pèlerin
Sur son ventre rampant
De l'Atlantique au Golfe
Et du Golfe à l'Atlantique,
Parlant le jour comme un saint
Et qui, la nuit tombant,
Est pris de tourbillon
Autour d'un nombril féminin ?

IV

Qu'est-ce donc cette patrie
Qui exerce son infamie
Contre tout nuage de pluie chargé,
Qui ouvre une fiche secrète
Pour chaque sein de femme,
Qui établit un PV de police
Contre chaque rose ?

V

O bien aimée
Que faisons-nous encore dans cette patrie
Qui craint de regarder
Son corps dans un miroir
Pour ne pas le désirer ?
Qui craint d'entendre au téléphone
Une vois féminine
De peur de rompre ses ablutions ?
Que faisons-nous dans cette patrie égarée
Entre les œuvres de Chafi'i et de Lénine,
Entre le matérialisme dialectique
Et les photos pornos,
Entre les exégèses coraniques
Et les revues Play Boy,
Entre le groupe mu'tazélite
Et le groupe des Beattles,
Entre Rabi'a-l-'Adaouya
Et Emmanuelle ?

VI

O toi être étonnant
Comme un jouet d'enfant
Je me considère comme homme civilisé
Parce que je suis ton Amant,
Et je considère mes vers comme historiques
Parce qu'ils sont tes contemporains.
Toute époque avant tes yeux
Ne peut être qu'hypothétique,
Toute époque après tes yeux
N'est que déchirement ;
Ne demande donc pas pourquoi
Je suis avec toi :
Je veux sortir de mon sous-développement
Pour vivre l'ère de l'Eau,
Je veux fuir la République de la Soif
Pour pénétrer dans celle du Magnolia,
Je veux quitter mon état de Bédouin
Pour m'asseoir à l'ombre des arbres,
Je veux me laver dans l'eau des Sources
Et apprendre les noms des Fleurs.
Je veux que tu m'enseignes
La lecture et l'écriture
Car l'écriture sur ton corps
Est le début de la connaissance :
S'y engager de la connaissance :
S'y engager est s'engager
Sur la voie de la civilisation.
Ton corps n'est pas ennemi de la Culture,
Mais la culture même.
Celui qui ne sait pas faire la lecture
De l'Alphabet de ton corps
Restera analphabète sa vie durant

Poême de Nizzar KABBANI
Salomé

mardi 16 novembre 2010

Qu'elle est belle la femme impertinente que nous avons toutes en nous ! Impertinence des mots, des postures, des gestuelles...
Foin du pseudo romantisme qui veut que le sentiment amoureux ne soit que mièvreries rose bonbon.
Le désir de l'autre est impertinent, vous ne trouvez pas?
Il titille la peau. il fait tourner le cerveau à plein régime. Il est joueur, taquin, coquin. Il réveille des envies de gourmandises.
L'amour est gourmand. Il se déguste à pleine bouche et se lasse des conventions.
On croque dans l'autre comme dans un patisserie avec, en attente, le petit goût acidulé qui fera fondre.
Osons toutes les folies. Osons les mots du plaisir amoureux.
Quand un homme vous dit " j'aime tes mains" il les voit posées sur lui. S'il aime la courbe de nos jambes c'est qu'il a faim de les ouvrir.
S'il nous dit "j'aime ta bouche" il nous fait chavirer.
Les jeux amoureux sont un bréviaire culinaire : " je te mange de baisers", "je te veux", " je te lèche", "je te goûte", " je te sens"... Joli chemin érotique non?
Petits chatouillis sur la peau en espérance.
Musarder sa faim dans ses odeurs. Promener ses sens sur ses terres d'aventures. Dessiner ses pieds, faire frémir ses jambes, chatouiller son ventre, croquer sa poitrine, lècher son cou et humer ses cheveux.
Le désir est impertinent comme un verre de thé. Il nous fait oublier les soit disantes conventions et cisèle aux bouts des doigts des plumes de jeux.
Ce désir si impertinent et si délicieux qui fait chanter le corps quand la tête s'est posée.
Que n'avons nous appris les mots de l'envie?

Salomé

dimanche 14 novembre 2010

Violences

Il y a, chez nous,  des hommes qui n'aiment qu'avec leurs poings. Dans nos sociétés où l'on chante l'amour romantique sous toutes ses formes on oublie que pour certains l'amour passe par les coups. Insulte suprême aux femmes...
Il y a ces femmes qui cachent tant bien que mal les bleux, les cicatrices, les marques en baissant la tête. Qui hurlent dans le silence assourdissant des voisins. Il y a ces enfants terrorisés qui voient leur père tabasser leur mère, encore et encore... Il y a ces flics que l'on va chercher mais qui tournent la tête.
Il y a ces voisins qui savent mais qui, partant du principe pervers que "elle reste avec son mari , c'est qu'elle le veut bien", détournent les yeux et laissent faire l'innomable.
Il y a celles qui acceptent la gifle en espérant que ce sera le seul et unique geste du tyran domestique. Et qui apprennent, par la force brute et le quotidien effrayant,  qu'une gifle en amène une autre, puis les coups de poings, les coups de pieds, les insultes, les crachats, les claques balancées comme des coups de fouet. Elles pleurent en silence en pliant leurs corps meurtris. Et elles cachent. Car il faut cacher n'est ce pas? Le tortionnaire ne se cache pas lui. Sa victime si.
Elle a honte. Et les yeux des autres lui racontent cette honte.
Alors elle devient honte elle même. Elle qui est la victime.
Et il y a cette société hypocrite qui laisse faire, baissant pudiquement les yeux et passant à autre chose quand elle entend les hurlements d'animal battu qui émanent de la cour voisine. Tout le monde se dit "pourquoi elle part pas?".
Comme si c'était si facile et si simple. Comme si la vie n'était que blanc ou noir et que tout le monde avait le choix... Que sait on des terreurs féminines qui empêchent les fuites? Que sait on des menaces du mari concernant les enfants? Que sait on des  tabous qui sclérosent les jugements?
La bonne conscience des autres comme voile d'aveuglement. Encore d'autres voiles...d'autres cécités.
Tout va bien, Mesdames Messieurs, tant que l'on ne pose pas les questions, n'est ce pas?
Et sa tranquillité vaut bien tous les reniements et les non assistance à personne en danger.
Partout, combien sont elles ces femmes qui sont mortes sous les coups ou à la suite des coups? Combien ont avorté dans les silences familiaux suite aux passages à tabac?
Combien sont elles ces femmes qui endurent la peur jour après jour et pour qui, vivre signifier encaisser, pitoyables boxeurs laminés?
Et combien sommes nous à fermer les yeux et à laisser faire parce que...
Nous aimons nos femmes , n'est ce pas? Nous les aimons peut être trop... Au point d'en faire les carrefours de nos violences réprimées : excisions, coups, crachats, enfermement moral, enfermement physique...Honneur, patrie et compagnie...
Et les femmes violées? Et les femmes déflorées de force la nuit de noce? Et les femmes forcées d'ouvrir les jambes à un imposé devoir conjugal? Et les pas tout à fait encore femmes mais règlées, donc aptes au services,  mariées de force à un vieux débris qui pourra assouvir tous ses désirs de pédophile avec l'assentiment familial ?
Tant de violence derrière nos voiles multicolores qui gangrènent les envols et les espoirs et qui font de nous des monstres à 2 visages : d'un côté l'amour chanté et dont on nous rabât les oreilles et de l'autre nos noirceurs castratrices qui gomment LA femme sous des airs de morale et de société.
Monde d'hypocrite que le notre où naître femme n'est pas une chance mais un carcan à traîner.
On naît garçon.
Mais on est expulsée "femme".

Salomé

jeudi 11 novembre 2010

Attente....

Dans les mille et un je / jeux de du sentiment amoureux, il y a l'attente. L'attente des joutes érotiques qui font que 2 corps se cherchent.
C'est le moment de la gourmandise posée au bout des doigts. Ces moments où les regards n'en finissent plus de tracer dans l'air des demandes affamées...
Nos voiles ne permettent pas l'expression des envies / désirs du "me croqueras tu?". Tout au long de siècles d'enfermement, nous avons développé, nous mauritaniennes, la coquetterie amoureuse subtile des déclarations d 'amour. On nous a tellement érotisées sous nos voiles que nous, perverses Schéharazades involontaires,  en avons perdu l'essentiel : nos corps.
Alors nous avons brodé l'attente et les espoirs. Sur fond de rires niais et de pudeurs ignorantes.

Elle est si douce cette attente de l'autre. Elle lui dit : je veux...
L'attente comme un frémissement de la peau.... Les mains qui dessinent les lendemains de jeux. Les regards comme  des bouches qui se rencontrent et qui se prennent.

Alors, avant de me prendre dans tes mains, aime moi avec tes yeux et brûle mon voile de prisonnière...
Salomé
Pourquoi, en tant que femmes mauritaniennes,  ne pourrions pas érotiser nos sentiments amoureux? Pourquoi, sortis de la poèsie profane, l'audace des mots devrait ils choquer?
Nous avons tant de voiles sur nos yeux que nous ne savons plus distinguer entre les voiles prisons des corps et les voiles moraux. Tabous, tabous, tabous...  Nous portons tous nos tabous comme des péchés expiatoires.
Le succès de ce blog de femmes mauritaniennes ( 649 connexions ) montre bien cette soif d'autre chose.
L'érotisme des choses de l'amour... Entre filles / femmes nous savons si bien parler de ces "choses là", avec humour, avec gourmandise, avec rires et rougeurs, mais aussi avec crudité des paroles. Mais entre filles seulement...  Combien de fantasmes et de désirs ne restent que dans la sphère féminine!
Le grand mystère du plaisir féminin, avec ou sans amour, reste comme une friandise interdite. Il est dur de dépasser le jugement du regard des autres, les biens pensants, les moralistes castrateurs.
Les hommes de ce pays peuvent voler de corps en corps, se perdre dans les mille et un voiles de la tentation et prendre leur plaisir comme ils veulent quand ils veulent. Du moment que cela se fait dans la discrétion la plus absolue. Et ils pavanent leur virilité avec jubilation.
Mais, nous femmes, si les mêmes désirs nous prennent on passe, pirouette pathétique, du statut de femme "normale" à putain, femme à homme, femme perdue.
Etre femme est alors exclusif : on est la femme d'un seul. Malgrè les envies autres...
Pourrons nous un jour revendiquer, nous aussi, un droit au plaisir? Sans être lapidées par la pseudo morale hypocrite de nos sociétés paumées entre des mondes disparus et une mondialisation non acceptée.

Salomé.

mercredi 10 novembre 2010

« Sois enivré d'amour »


"...J'ai posé ma tête sur ton seuil,
Et j'ai laissé mon cœur entre tes boucles ravissantes.
Mon âme est venue à mes lèvres, donne-moi les tiennes,
Pour qu'ainsi dans ta bouche, je mette mon âme.
Mon cœur est esclave de tes lèvres de rubis.
Il est ivre de tes yeux enivrés.
Avec les yeux de ton cœur, tu verras un autre monde.
Si tu te tiens à l'écart de l'égoïsme,
Tes actes seront tous entièrement approuvés.
Moi aussi, j'étais sage et dégrisé comme toi,
Je reniais tous les amoureux.
Me voici devenir fou, ivre et libertin,
Et tu prétends que j'ai toujours été ainsi.
Un amoureux doit être toujours ivre et diffamé,
Extravagant, égaré et fou.
Le chagrin nous serrera la gorge quand nous serons dégrisés ;
Mais tant que nous sommes ivres advienne que pourra.
Tranquille est celui qui n'a rien de bon ni de mauvais,
Qui n'a ni les chaînes de la richesse ni celles de la pauvreté !
Qui peut vivre loin des chagrins du monde et du peuple,
Et en qui il n'y a pas la moindre trace d'égoïsme.
Sois juste ; l'amour est une belle chose ;
Tout le mal vient de ta nature perverse.
Tu as donné le nom d'amour à ton désir de jouissance,
Mais de l'amour à la jouissance la distance est grande.
Son cœur est gonflé d'amour et ses yeux gonflés de sommeil,
Vers le matin, la beauté de mon aimée a quelque chose d'étrange.
Il faut être avancé dans le chemin du désir.
Il faut se garder de la souillure du monde,
Soigne bien ta vue, en effet,
L'univers tout entier est Lui, mais il faut avoir les yeux clairs.
Puisque j'ai dans le cœur l'image de celle que jalousent les fées,
Qui peut être heureux dans le monde autant que moi ?
Je jure que je ne peux pas vivre sans bonheur,
J'entends parler du souci, mais je ne sais ce que c'est.
Quand de l'amour divin l'aurore poindra
Des corps vivants l'âme s'envolera.
L'homme atteindra un lieu où à chaque moment,
Sans fatiguer ni ses yeux ni ses mains, il percevra.
J'ai un amour plus pur qu'une eau limpide,
Et le jeu de cet amour pour moi est licite.
Je sens dans l'herbe l'odeur de tes lèvres.
Je vois, dans les jasmins et les tulipes, tes couleurs..."


Jalâl al-Din RûmiRoubâ'yât, Extraits de Odes mystiques

Salomé

lundi 8 novembre 2010

Double je ( texte libre )

Si je te désire puis je te dire que je te désire? La poésie des désirs supporte t 'elle les manquements à la morale?
La poésie de l'envie peut elle s'accomoder des mots de vérité?

J'ai cherché à t'enfermer dans mes cheveux mes soirs de peine.
J'ai pris tes mains et m'y suis couchée, toute repliée sur mon envie de toi.
J'ai roulé tes lèvres à l'aurore de mes larmes.
J'ai soufflé sur tes paupières mes notes d'amante.
J'ai humé ton odeur dans le pli des moiteurs des nuits d'amants.
J'ai semé sur ma peau des chemins parfumés pour que tes doigts se perdent encore et encore.
J'ai rêvé pour toi des poèmes, des vers, des chansons.
Je me suis faite vent et cicatrices.Gémissements et chansons. Suppliques et prières.
Je me suis faite nuit pour t'enfermer dans mes bras.
Dans ton cou j'ai inscrit mon nom avec mes dents. Perle de sang.
J'ai brûlé mes yeux.
Je t'ai roulé sur ma langue, longue chanson d'amoureuse.
J'ai été tidinit, ardine, henné.
J'ai été sables et pluies pour me consumer à ton envie.
J'ai été mains, paumes, lignes de vie et ligne de mort.
j'ai été encens pour diluer ton image.
J'ai été ces volutes et ces prières.
Je me suis inscrite sur tes rétines...

M'as tu vue?

Salomé.


On dit de l'érotisme qu'il est "désir amoureux". Désir.... Amour.... Peut on érotiser sans sentiments?
Dans nos sociétés des non dits et des interdits tout devient, par la force des choses, érotique. L'Autre est perçu comme jeu d'attrait. Tu m'es interdit donc je te veux.
C'est le paradoxe de nos univers en apparence si moraux : en cachant ils ont décuplé l'envie de la découverte et sublimé les imaginaires. Et, dans le même temps, rattrapés par ce jeu sexuel, ils ont codifé, rigidifié encore plus : il fallait nier ces corps /fantasmes. Et les expressions de ces attractions.
Petites filles nous érotisons nos rapports avec nos pères, entamant un cache cache amoureux où le géniteur devient celui qu'il faut conquérir et enlever à l'autre, la mère, la rivale. Petites nous sommes les meneuses d'un jeu où la séduction est notre première arme d'approche.
Les petits garçons sont,eux, dans la stratégie de la conquête de la mère. Ils se lovent dans les plis des voiles maternels, réclament tard le lait et les seins. Tout, entre le petit garçon et sa mère, devient jeu sexuel : la toilette intime, la vision de la maman pendant sa toilette, les parfums que l'on cherche dans le cou, la jalousie, l'exclusivité...
En grandissant nous oublions ces érotismes premiers qui seront ,pourtant, révélateurs de ce que nous serons.
Nous, femmes, serons, après l'amour du et pour le père, en recherche perpétuelle de ces moments où nous n'étions qu'animaux sensitifs.
Tapi dans nos inconscients reste la figure imaginaire du Père, de ce premier homme ,de cet homme premier. Notre premier amour....
Et en chaque homme que nous avons aimé ou que nous aimerons s'esquisse en filigrane cet amour sublimé entre un père et sa "petite femme/fille".
Et cet homme des débuts, s'il "a" de des garçons, "posséde" des filles. Subtil glissement sémantique qui fit toute la différence. C'est peut être pour cela, qu'en regardant sa fille grandir, il lui revient de façon inconsciente ces jeux d'attraction quasi sexuel qui le liérent à sa fille pendant l'enfance de cette dernière. Il ne lui reste donc plus qu'à cacher.
Et là où nos frères grandissent dans l'apprentissage quasi institutionnalisé de la conquête de la femme, nous apprenons par la force et la désillusion nos rôles futurs : de désir nous devenons fin en soi. De femmes en devenir nous psalmodions nos reniements. De nos corps nous ne gardons sacré que ce qui se doit d'être : virginité, maternité. De femmes enfants nous sommes alors passées au statut de femmes à enfants. A nous nuls désirs. Nulles envies. Le sexe est alors sale.
Nos frères peuvent apprendre les jeux de l'amour. Nous, non. Nous ouvrons nos jambes dans le silence des nuits matrimoniales où, même étendues sous un homme, le mari, il nous est demandé de la retenue.Les hommes jouissent. Les femmes rêvent en percevant tous les possibles.

Une société qui nie ses femmes peut elle être multiple?
Salomé.

mercredi 3 novembre 2010

Il est des moments où le corps explose dans l'absolu de la sensualité. De ces moments où muscles, chairs, os, sang, sueur... deviennent l'expression extatique de la volupté. Volupté et douleur; volupté et expiation; volupté et noces de sang....
Dans l'arène c'est le couple torero / taureau, face à face, unis dans des noces sanglantes et où, faenas après faenas, le torero chante son amour de la bête qui a rivé son regard au sien.  Au frémissement du pelage du taureau répondent les gestes fluides et gracieux du tueur amoureux. Coït de violence, à la vie à la mort. Et quand le taureau baisse la tête et accepte la main du danseur, on devine la volupté du torero. Avez vous déjà vu une corrida? Ce corps à corps sublimé de danses des muscles et des désirs... Ce plaisir jusque dans la négation de la vie.
Et la danse des Derviches tourneurs, une main vers le ciel, une main vers la terre. Tourbillons de l'infini dans l'extase des corps en recherche d'absolu... Quand la volupté tranche l'esprit comme un cimeterre et que le corps n'est plus que matrice l'homme, alors, s'envole. La beauté terrible des ces corps qui tournoient et tournoient encore dans l'enflammement des sens c'est comme une caresse sur une peau à vif. On voudrait poser ses doigts sur la fluidité des muscles, s'en imprégner, se graver de mirages.
En sentir chaque mouvement, chaque langueur, chaque sursaut.
Les corps sont plénitudes absolues. Ils sont et souffrance et amour.
La femme qui étend sa chevelure et qui danse sous les étoiles est, elle aussi, corps et volupté.
Elle est ce torero qui va défier la mort. Elle est ce tourneur mystique qui atteint l'extase par l'oubli de soi dans des tourbillons.
Elle est ces muscles qui chantent et qui attendent la main qui fera naître des envols. Elle est blessures et parfums.
Elle est ce sexe immense qui englobe l'univers et sur lequel viennent mourir tous les désirs.
Et, sous le ciel soyeux, elle pose ses mains en coupe sur son ventre et elle chante...
Salomé

dimanche 31 octobre 2010

Maux...

Quand nous avons été dans vos bras avez vous entendu nos poèmes d'amoureuses? Avez vous suivi les chemins des désirs?
Avez vous bu le frémissement des lèvres?
Nous avons posé nos bouches dans vos cous et, dans la pénombre, avons chuchoté nos paroles de désirs. Nous avons enfermé vos mots dans nos cheveux . Nous avons caressé vos têtes posées sur nos ventres. Nous avons effleuré vos fatigues. Nos mains ont chanté vos corps.
Nous vous avons porté en coupe, colliers charnels. Dans la nuit nous avons ouvert nos corps pour que vous y inscriviez vos maux d'amour. Nous avons plié nos corps, modelé les draps, réinventé les joutes.
Nos corps se sont fait vallons, collines, senteurs, bois, herbes, oiseaux, gri gri...
Nous vous avons regardé gémir et oublier, un instant, les différences. Nous nous sommes enroulées. Petits animaux chauds...

Et dans l'instant fugace d'une moiteur secrète nous vous avons offert nos peaux.
L'avez vous oublié?
Nos corps enfermés sont comme des désespérés. Prisonniers des carcans et des tabous. Ils sont niés, déformés, malaxés aux diktats des aveuglements. Depuis la plus tendre enfance on nous inculque la retenue, la pudeur et la bienséance. Formatées à devenir des femmes, puis des mères, puis des grands mères, nous ne sommes que la somme des désirs des autres. Nos quotidiens sont empreints des gestes "qu'il faut" pour une femme. On nous apprend à éviter le regard des hommes. Pire, on nous apprend à éviter notre propres regards.
Ce regard impudique que nous pourrions porter sur nous mêmes et sur nos devenirs en gestation. Nous portons nos corps comme les étendards de la société. Nous sommes monnaies d'échange contre les fantasmes véhiculés par nos sociétés patriarcales. Une fille c'est, dès la naissance, un honneur à protéger. La dignité ne passerait elle que par les corps féminins?
Quand la petite fille joue les cheveux aux vents dans l'innocence de la tendre enfance sait elle qu'elle est  déjà, même impubère, impure? Ne devine t'elle pas cette arrogance des désirs familiaux?
Chez certaines on traque dans le sang les signes de l'Autre qu'elle aurait pu devenir. Et sous la lame du rasoir de l'exciseuse, dans les cris et les larmes, elle se voit excisée, martyrisée : car la femme ne semble être réduite qu'à ce clitoris qui fait l'horreur des contingences pseudo sociales. Et par le sang on lave et on construit de force une future femme. C'est dans l'horreur que naissent, alors, les "bonnes" filles, celles qui pourront s'ouvrir à leur mari et voir couler de nouveau le sang.
Ah le sang... Glorieux quand il s'agit de celui de la perte de la virginité, celui qui prouve que la famille a bien surveillé sa fille! Impur quand il s'agit de celui des menstrues.
Sang de douleur que celui des accouchements. Sang d'honneur quand il coule après la torture de l'excision. Sang encore et toujours.
Nous sommes ensanglantées. Nous sommes rouges de tous ces sangs. Ne voyez vous pas les fleuves de sang que nous portons, les sangs de nos mères et de nos grands mères? Tous ces cris et toutes ces souffrances?
Nos sexes ne sont que sangs. Nous sommes réduites à ce sexe qui nous fait différentes.
Toutes nos enfances ne sont que préparations à ces autres sangs : celui qui coule chaque mois et qui fait de nous des interdites hors mariages car prêtes à tous les enfantements, celui qui coule dans la souffrance lors de la nuit de noce, celui qui gicle quand nous expulsons nos enfants.
Il faut bien alors voiler les femmes pour cacher la souffrance et tous ces sangs. En faire une quasi divinité tout en gommant les courbes et les voluptés.
Nous sommes objets de tentation dans des sociétés en mal d'amour. Où les hommes sont dévorés par le charnel. Et pour combattre le charnel, nions l'objet du désir. Nous faisons fantasmer. On nous chante, on nous encense, on nous désire. Les regards sont désirs.
Mais seuls les désirs masculins ont droit de cité. Ils brûlent. Ils incendient.


Que n'avez vous pitié des femmes?

jeudi 28 octobre 2010

Peut on mourir du regard d'amour?

"Le jour où j’ai écrit je t’aime...
ils ont dit poétesse
Je me suis mise nue pour t’aimer...
ils m’ont traitée de prostituée
Je t’ai quitté pour les convaincre...
ils m’ont traitée d’hypocrite
Je suis revenue vers toi...
ils m’ont traitée de lâche
J’ai commencé a être hantée par mes vers
et a offrir mon corps nu à la glace..."

Ahlam Mostaghanemi
(Mostaghanemi Ahlam, 1976, Écriture nue, Dar-al-adab, Beyrut.)

La morale veut que l'amour soit pudique, empreint de dignité. On se chuchote entre filles "j'aime"... "je suis aimée", avec des yeux de gosses émerveillés. On cache derrière la main le rire de plaisir.
Quand l'aimé est là on fait ce que l'on sait le mieux faire : jouer. Jouer à en perdre la déraison car qu'avons nous appris d'autre que le jeu, les non dits, les désirs à baillonner, la dignité.
Mais l'amour est il digne?
Au début ce sont les yeux de l'ami de coeur. La faim immense que l'on y perçoit . Le frémissement du désir blotti au coin des lèvres. La main hésitante qui s'émeut de ne pouvoir toucher.
C'est le voile que l'on fait glisser doucement de l'épaule, juste quelques secondes pour brûler l'amoureux. et, pffuit, le corps de nouveau réenfermé, caché, nié.
Les amoureux  sont rarement seuls. Ils s'épient, ils se dévorent chastement du regard, ils imaginent...
Il fut des temps où le tintement coquin d'un bracelet de cheville suffisait à rendre un homme fou d'amour / désir.
Amour / désir.... C'est le grand écart permanent entre la chair et la tête. Car si l'amour est permis, encouragé, chanté, loué, déclamé, le corps est interdit. Il est objet de sermons. Il est brandi comme la récompense à une éventuelle bonne manière de vivre. Les corps secrets promettent des délices matrimoniaux. Hors du mariage point de félicités. La jouissance est haram. La jouissance est laide.
Au point que des générations de femmes, lors de l'acte sexuel, se couvraient le visage de leur melhafa. L'acte d'amour est honteux.
L'homme seul est maître d'un désir sexuel vécu mais non intégré. Non appris.
Nous sommes une société où on meurt d'amour, de faim d'amour; tout en étant ignorants des choses de l'amour.
Et où l'on meurt du regard d'amour. Femmes, nous sommes suspendues à ces regards d'amour / désir. Sans oser attraper au vol le désir de l'amoureux.
Tout est dans le regard. Avant le fantasmé acte d'amour, redouté et attendu.
Et nous faisons l'amour par regard.
Nous pouvons mourir du regard d'amour : à défaut de toucher ta peau, de toucher mon corps qui t'est interdit, je t'offre mes yeux. Et nos yeux sont langues, peau, odeurs, caresses, salive, soupirs....
Et je peux mourir, moi aussi, de ton regard d'amour.....

mercredi 27 octobre 2010

Mille et un je ... Je, Tu, Elles, Nous...Plurielles. Féminin / féminin. Féminin singulier, féminin plurielles. Dans la touffeur de nos sociétés, dans une société frileuse où la parole est dévidée comme un chapelet, les mots / maux des femmes mauritaniennes sont comme les perles des brodeuses : nacrées. Tout le monde parle mais qui entend? Qui entend les paroles de femmes?
Objets de tous les désirs, elles sont fantasmes. Elles sont mères, épouses, gardiennes de la morale. Elles sont tractations et alliances. Elles sont poésie.
Mais dans cet océan de fascination les femmes ne parlent pas ou si peu.
Et surtout pas d'amour. Schéhérazade des temps modernes elles traversent les imaginaires masculins.
Elles sont corps, sensualité et désirs. Odalisques.
Mais qui entend qu'elles ne sont pas que ça? Peu de femmes parlent d'amour physique, de sexualité ou de sentiments.
Leurs corps sont les réceptacles de toutes les envies. Mais les hommes savent ils à quoi pensent les femmes qui traversent leurs imaginaires?
Qui est l'amante? Qui est l'épouse? Qui est l'amoureuse?
Combien de désirs derrière les paupières maquillées... Combien d'envols ratés... Combien de larmes accrochées au bord des lèvres...Combien de blessures...
Ce blog est écrit à 4 mains.  4 mains de femmes de Mauritanie. Des mains blanches et noires. 2 parcours différents mais des mémoires identiques, voilées par les diktats.
4 mains, 2 femmes, 2 destins. Les mêmes maux d'amour.
Textes libres où nos mémoires vont voyager dans les imaginaires. Nous ne sommes pas toutes les femmes de Mauritanie. Mais nous les portons en nous, enfouies au creux de nos ventres.
«Le femme est le rayon de la lumière divine.» Djalal al-Din Rûmi
Parlons d'amour, voulez vous?

mardi 26 octobre 2010

Double "je"

Double "je", regards croisés, chuchotis... De soeur à soeur, sans tabous. Parler de tout, oser la parole. OSer la mémoire de femmes.