jeudi 28 octobre 2010

Peut on mourir du regard d'amour?

"Le jour où j’ai écrit je t’aime...
ils ont dit poétesse
Je me suis mise nue pour t’aimer...
ils m’ont traitée de prostituée
Je t’ai quitté pour les convaincre...
ils m’ont traitée d’hypocrite
Je suis revenue vers toi...
ils m’ont traitée de lâche
J’ai commencé a être hantée par mes vers
et a offrir mon corps nu à la glace..."

Ahlam Mostaghanemi
(Mostaghanemi Ahlam, 1976, Écriture nue, Dar-al-adab, Beyrut.)

La morale veut que l'amour soit pudique, empreint de dignité. On se chuchote entre filles "j'aime"... "je suis aimée", avec des yeux de gosses émerveillés. On cache derrière la main le rire de plaisir.
Quand l'aimé est là on fait ce que l'on sait le mieux faire : jouer. Jouer à en perdre la déraison car qu'avons nous appris d'autre que le jeu, les non dits, les désirs à baillonner, la dignité.
Mais l'amour est il digne?
Au début ce sont les yeux de l'ami de coeur. La faim immense que l'on y perçoit . Le frémissement du désir blotti au coin des lèvres. La main hésitante qui s'émeut de ne pouvoir toucher.
C'est le voile que l'on fait glisser doucement de l'épaule, juste quelques secondes pour brûler l'amoureux. et, pffuit, le corps de nouveau réenfermé, caché, nié.
Les amoureux  sont rarement seuls. Ils s'épient, ils se dévorent chastement du regard, ils imaginent...
Il fut des temps où le tintement coquin d'un bracelet de cheville suffisait à rendre un homme fou d'amour / désir.
Amour / désir.... C'est le grand écart permanent entre la chair et la tête. Car si l'amour est permis, encouragé, chanté, loué, déclamé, le corps est interdit. Il est objet de sermons. Il est brandi comme la récompense à une éventuelle bonne manière de vivre. Les corps secrets promettent des délices matrimoniaux. Hors du mariage point de félicités. La jouissance est haram. La jouissance est laide.
Au point que des générations de femmes, lors de l'acte sexuel, se couvraient le visage de leur melhafa. L'acte d'amour est honteux.
L'homme seul est maître d'un désir sexuel vécu mais non intégré. Non appris.
Nous sommes une société où on meurt d'amour, de faim d'amour; tout en étant ignorants des choses de l'amour.
Et où l'on meurt du regard d'amour. Femmes, nous sommes suspendues à ces regards d'amour / désir. Sans oser attraper au vol le désir de l'amoureux.
Tout est dans le regard. Avant le fantasmé acte d'amour, redouté et attendu.
Et nous faisons l'amour par regard.
Nous pouvons mourir du regard d'amour : à défaut de toucher ta peau, de toucher mon corps qui t'est interdit, je t'offre mes yeux. Et nos yeux sont langues, peau, odeurs, caresses, salive, soupirs....
Et je peux mourir, moi aussi, de ton regard d'amour.....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire