dimanche 31 octobre 2010

Nos corps enfermés sont comme des désespérés. Prisonniers des carcans et des tabous. Ils sont niés, déformés, malaxés aux diktats des aveuglements. Depuis la plus tendre enfance on nous inculque la retenue, la pudeur et la bienséance. Formatées à devenir des femmes, puis des mères, puis des grands mères, nous ne sommes que la somme des désirs des autres. Nos quotidiens sont empreints des gestes "qu'il faut" pour une femme. On nous apprend à éviter le regard des hommes. Pire, on nous apprend à éviter notre propres regards.
Ce regard impudique que nous pourrions porter sur nous mêmes et sur nos devenirs en gestation. Nous portons nos corps comme les étendards de la société. Nous sommes monnaies d'échange contre les fantasmes véhiculés par nos sociétés patriarcales. Une fille c'est, dès la naissance, un honneur à protéger. La dignité ne passerait elle que par les corps féminins?
Quand la petite fille joue les cheveux aux vents dans l'innocence de la tendre enfance sait elle qu'elle est  déjà, même impubère, impure? Ne devine t'elle pas cette arrogance des désirs familiaux?
Chez certaines on traque dans le sang les signes de l'Autre qu'elle aurait pu devenir. Et sous la lame du rasoir de l'exciseuse, dans les cris et les larmes, elle se voit excisée, martyrisée : car la femme ne semble être réduite qu'à ce clitoris qui fait l'horreur des contingences pseudo sociales. Et par le sang on lave et on construit de force une future femme. C'est dans l'horreur que naissent, alors, les "bonnes" filles, celles qui pourront s'ouvrir à leur mari et voir couler de nouveau le sang.
Ah le sang... Glorieux quand il s'agit de celui de la perte de la virginité, celui qui prouve que la famille a bien surveillé sa fille! Impur quand il s'agit de celui des menstrues.
Sang de douleur que celui des accouchements. Sang d'honneur quand il coule après la torture de l'excision. Sang encore et toujours.
Nous sommes ensanglantées. Nous sommes rouges de tous ces sangs. Ne voyez vous pas les fleuves de sang que nous portons, les sangs de nos mères et de nos grands mères? Tous ces cris et toutes ces souffrances?
Nos sexes ne sont que sangs. Nous sommes réduites à ce sexe qui nous fait différentes.
Toutes nos enfances ne sont que préparations à ces autres sangs : celui qui coule chaque mois et qui fait de nous des interdites hors mariages car prêtes à tous les enfantements, celui qui coule dans la souffrance lors de la nuit de noce, celui qui gicle quand nous expulsons nos enfants.
Il faut bien alors voiler les femmes pour cacher la souffrance et tous ces sangs. En faire une quasi divinité tout en gommant les courbes et les voluptés.
Nous sommes objets de tentation dans des sociétés en mal d'amour. Où les hommes sont dévorés par le charnel. Et pour combattre le charnel, nions l'objet du désir. Nous faisons fantasmer. On nous chante, on nous encense, on nous désire. Les regards sont désirs.
Mais seuls les désirs masculins ont droit de cité. Ils brûlent. Ils incendient.


Que n'avez vous pitié des femmes?

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