dimanche 25 septembre 2011

Elle est...



J'ai, il y a maintenant longtemps, accompagné une femme qui m'était chère dans ses derniers pas sur cette terre et le voyage vers un nouveau monde. J'ai tenu sa main et écouté son souffle laborieux tenter de sortir de ses lèvres. j'ai vu ses yeux fermés et regardé son visage vieilli, où chaque ride racontait un combat de sa vie. J'ai humé son souffle et posé mes doigts dans ses cheveux. Je lui ai parlé doucement, ne sachant pas si elle m'entendait mais,MOI, il me fallait dévider ma douleur pour lui dire mon amour et ma terreur de la voir s'en aller.

Et je suis restée là des heures, écoutant ce râle de fin, ce râle qui n'en finissait plus.

Et je l'ai regardée. Jamais je ne l'ai autant regardée, cette femme qui était mienne alors, qui était devenue l'ombre d'elle même et qui terminait sa vie dans l'inconscience de l'étouffement.

Et je lui ai parlé. Parlé. Parlé à en pleurer.

Je lui ai égréné ses multiples vies, ses rêves brûlés, ses amours fanées. J'ai fermé les yeux et l'ai entendue me chuchoter sa vie et ses regrets et ses espoirs.
Dans son agonie, elle m'a brodée sa vie. Enfant, petite fille, jeune fille, jeune femme, femme mure, femme vieille. Elle m'a dit les mondes possibles ouverts à ses yeux de petite fille. Elle m'a dit les rêves d'amour et les yeux d'un homme, les rêves de mariage, les rêves d'envol.

Elle m'a dit le frisson et l'envie.

Elle m'a chuchotée ses brisures, les rides témoins de ses douleurs, les cheveux qui blanchissent, les sourires forcés.

Elle m'a frôlée avec les images de ses mains devenues vides quand ses enfants ont quitté sa maison .

Elle m'a promenée dans sa fidélité à un homme qui, innocemment, n'entendait pas.

Elle m'a racontée la soumission aux convenances et les sourires forcés, et les larmes rentrées, et le corps pris de frissons...quand l'envie d'ailleurs se faisait trop forte.

Elle m'a parlée de la mort de sa mère. De cette femme qui lui cachait ses larmes et l'a brodée la plus belle des mariées.

Elle m'a pleurée la mort de son premier enfant, cette douleur qui ne s'efface jamais, portée au fond du ventre comme une offrande expiatoire, un calice de douleur jamais apaisé.

Elle m'a racontée les grandes mains de son homme et son souffle et ses mots et ses maladresses.

Elle m'a tissée des chansons d'amour, venues d'un autre temps, ses envols à la voix d'une griotte depuis longtemps disparue.

Elle m'a humée dans le cou et m'a remplie du parfum qu'elle portait.

Elle m'a ouvert la bouche et a gravé sur ma langue tous ses rêves.

Elle m'a abandonnée au bord de sa solitude, étendue derrière ses paupières fermées.

Elle est....


Salomé.









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire