mardi 28 juin 2011

Nos hommes...



Nos hommes sont émouvants, parfois. Agaçants, souvent. Présents, toujours. Petits garçons devenus hommes, ils tournent autour de nos centres. Et recréent indéfiniment nos mondes à l'aura de leurs désirs. Dès leur premier cri leurs mères ont patiemment brodé autour d'eux des murs de vanité car naître garçon est perçu comme un miracle à préserver. Ils grandissent uniques, planètes solitaires autour desquelles gravitent les femmes de la famille. Depuis la plus tendre enfance ils sont faits rois, enfants boudeurs, capricieux, centres de toutes les attentions et de tous les fantasmes qui font qu'il faut absolument préserver cette chose qui fait qu'ils sont plus grands, plus importants, plus magnifiques que leurs soeurs : la masculinalité.

On les modèle petits garçons pour en faire des hommes selon tous les codes en vigueur. Et, avec amour et mimétisme, on grave dans leur mémoire le mantra absolu du " sois un homme mon fils" mauritanien. Ils apprennent l'orgueil quand on nous apprend, à nous filles et femmes, l'humilité. Ils récitent l'univers à leur dimension, cet univers qui tourne autour d'eux et dont nous sommes, nous femelles, les satellites amoureux et dévoués.

Ils apprennent la cruauté innocente de ceux qui se pensent tout permis. Et nous façonnent comme des poteries exotiques. Ils aiment comme on boit, à satiété. Ils nous chantent comme on respire. Ils nous touchent comme ils se coiffent. Ils nous prennent comme, enfants, ils prenaient le sein de leur mère et nous abandonnent comme ils oublieraient leurs clés de voiture.

Ils nous voilent pour mieux, eux, se dévoiler. Ils nous possédent comme un bijou.

Ils se posent sur nos corps comme des enfants.

Et nous les regardons...

Nous regardons tous leurs non dits, leurs larmes interdites par l'amour des leurs, leurs cris, leurs souffrances.

Et, parfois, nous touchons du bout de l'âme ces instants précieux et émouvants où ils ne sont plus des hommes, mais nos hommes, notre homme. Abandonné un moment...

Ce moment où l'homo mauritanicus redevient un petit garçon, yeux rêveurs.

Et c'est dans l'émouvant moment où nous prenons leurs yeux qu'ils sont nos pleins et déliés. Ce tout petit moment où ils pensent nous posséder comme un jouet et où ils ne sont plus que bateaux libres.

C'est ainsi : nos hommes ont été modelés centres et nous bords et clôtures par des cultures qui ont fait de l'homme le pilier du monde et des femmes les gardiennes.

Et quand ils se voient immenses nous, leurs femmes et filles et mères et amantes, nous les sentons dans ces rares moments d'intimité réelle, posés sur nos bouches comme des ailes de papillons.

Salomé

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