jeudi 7 février 2019

Là bas la mer...

Là bas...
C'est beau la mer; c'est un destin liquide, le rappel du ventre maternel, du premier frisson de vie, l'instant où tout se crée, ce hoquet fulgurant, presque douloureux, le cordon ombilical de l'histoire de l'homme.
À la puissance, à l'absolu de l'eau la terre s'efforce d'opposer l'immobile, l'encadré de paysages noyés de regrets, la lourdeur familière de la boue sous les pieds, la sacralité des cathédrales, phares de terre qui répondent aux phares de mer, l'élan vers les nuages, doigts de pierres, mains de pierres, toits de pierres... Et les calvaires croisés lors de balades comme paroles liens entre l'eau et la terre, le mouvant et le dur, le façonné, l'âpreté des rochers et l'écume, l'homme et la femme, masculin femelle, femelle masculin. Le masculin du maçon et le féminin de la parole des prières. La douleur est femelle en ces terres mers, en ces continents métis où les noms de ceux qui ont disparu ont brodé une mémoire du bout du monde. La douleur est si femelle : elle parle aux hommes, dans la nuit infinie des prières de celles qui restent à quai, gardiennes de terres, calvaires de veuves, lampes dans la nuit, ex voto amoureux... Il faut du féminin pour garder en vie...
Aux mers il faut des fins de terres. Des fins du monde de l'homme, des fins de l'homme. Il faut recevoir les abysses et les marées pour rendre leur fragilité aux choses de l'esprit, leur éphémère, l'essentiel enfin, le silence. Recevoir ces terres d'eaux, en boire le salé, le piquant, le vent et la houle, les grands marnages et le varech, le goémon et les petits peuples qui tapissent les déserts sous l'eau, les oiseaux, le bois des coques et le chant des cordages.
Recevoir encore et encore l'émerveillement d'une avancée rocheuse dans l'eau qui gronde en vagues et ressacs absolus, noyer, se noyer, dans le battement contre la roche, l'appel des fonds... Oser lever le regard et empoigner un horizon soudain si immense qu'il devient univers, planètes étranges, silences  bruyants des étoiles mortes, anneaux et abandons...
Ouvrir une île dans le lointain - et les histoires des livres de l'enfance qui deviennent tableaux vivants, sortis des secrets sous les draps - ouvrir une île et la mer se fait féminine. Masculin féminin. Féminin masculin.
Là bas...
Là bas la mer...
Là bas...
Et un phare pour que les nuits ne soient pas qu'obscurité et peurs de l'homme dans le noir. Un phare pour que la mer écrive, enfin, les histoires vues de l'eau.
Un phare...
Là bas...Lumières....

Mariem mint Derwich


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire