mercredi 11 janvier 2012

Lettre à toi qui te reconnaîtra (première partie)...


Tu es loin, alors je t’écris pour te tenir informée de ce qui se passe ici. Ne pas vivre ici, avec les tiens et tiennes te donne l’impression que Mauritaniland est un paradis. Tu as le luxe douloureux de l’exil, celui de rêver, de fantasmer une ville qui serait en partie comme dans tes souvenirs d’enfants, mais aussi moderne à ses heures perdues ( vers 11h quoi lol).
Alors j’ai décidé, de te gâcher ce plaisir là. Qui châtie bien aime bien, dit le dicton.
Je vais te conter cette ville comme je la vois. De mes yeux mi attendris par un pays et des gens que j’aime, mi attristés par les attitudes des gens et par l’état de ce territoire entre le Maroc et le Sénégal ( Big up à tous ceux/ celles qui ont du expliquer une fois dans leur vie ou se trouve la Mauritanie).
Tu me parles souvent de tes amours d’antan. De ces moments volés d’adolescente dans une ruelle sombre où, le cœur à la chamade, une caresse sur ta main t’a transportée. Tu t’en souviens encore de ce premier baiser, lèvres serrées mais brulantes comme après un verre de thé, un millième de seconde que tu as cru avoir le pouvoir de changer une vie.

J’aime écouter ces histoires là, parce qu’elles me rappellent qu’il y a eu un temps avant aujourd’hui.

Aujourd’hui, aucune fille, à l’aube de sa feminité, ne s’émeut d’un baiser. Internet et la télévision ont eu raison de cette innocence, à grands coups de clips de rap américain (naissance de la bitchitude), de films pornos (apogée du fantasme animalier), de feuilletons tous horizons (Mexique : je résume pour les incultes héroine pauvre tombe amoureuse du milliardaire, qui découvre que son père n’est pas son père et que sa mère ne le sait pas ! Fernandel si tu nous écoutes ! Turque : la méchante est en fait une gentille, l’homme qu’elle aime sera défiguré mais est, en fait, un agent secret du Mossad qui lutte contre les gangs d’Istanbul). Cette fille là, on lui a déjà dicté son comportement, ce qu’elle est sensée ressentir, faire. Elle sait comment faire plaisir aux hommes, comment les utiliser. Il n’y a plus de lowzars, il n’y a plus de barbies, elles passent de l’enfance à l’âge adulte. Les hommes sont les jouets. Cette attitude est aidée par les vestiges de notre culture maure qui nous poussaient, nous femmes, autrefois objets de désirs intouchables et inavouables, à ne jamais s’attacher.
Alors, elles, leurs corps portant encore les traces de l’enfance, jouent les tigresses; appâtent, guettent se jettent sur leurs proies. Il fait bon ne pas avoir de limites. Ces petites en perte totale de repères, ne veulent plus ressembler à la mauresque. Génération maouiya oblige ( de ta tour au Qatar, si tu nous entends !), l’école n’a plus aucun intérêt. On y a apprend rien, que les profs daignent venir ou non. Et puis à quoi ca servirait, elles savent bien, que celles et que ceux qui font la pluie et le beau temps à Nouakchott, en politique, comme dans les salons n’ont pas aplati leurs postérieurs sur des bancs...
Tu serais étonnée ! tu aurais du mal à comprendre. Il y a un tel décalage entre elles et nous ! je ne dis pas qu’elles sont perverses. Je ne le pense pas. Pour la plupart, cela fait juste partie d’une quête d’identité, d’une recherche de soi, dans ce « bordel » (je sais que tu me permettrais l’expression) qu’est Nouakchott. Un masque de plus à porter. Nous aussi, nous avions nos masques. Sauf que le soir venu, après toutes les représentations, nous les enlevions, et nous retrouvions notre nous.
En même temps, je dis ça, mais nous sommes foncièrement pareilles. Nous cherchons toutes un moyen de se sentir femme, de se sentir aimée avant d’être désirée. Il y a des fois, ou j’aimerai avoir une pancarte sur ma melehfa qui dit « les gars, oui, j’ai des fesses, des seins, mais ce serait gentil de faire semblant de vous intéresser à autre chose ».
...
(à suivre...)

Séphora

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