samedi 14 mai 2016

Pays, tu leur raconteras....












Tu leur raconteras, pays mien,
tu leur raconteras ta fille, fille parmi tes filles,
fille parmi tes hommes,
tu leur raconteras les vents qui l'ont fait naître,
tes vents de l'Est et tes vents de la mer.
Tu leur diras qu'à ses chevilles elle porte tes dunes,
tes contes,
tes griots,
tes notes de lune,
tes notes de soleil.
Tu leur diras qu'elle est fille tienne,
née et née encore,
à chaque aube,
dans chaque chant des mosquées.

Tu leur raconteras, pays mien,
la lignée, le nom des siens,
l'odeur de sa mère,
le rire des murs de pierre,
là bas dans la ville qui dort.
Tu leur raconteras qu'elle a posé ses mains,
en obole aux parois d'Amogjjar,
aux murs de la grande ville,
aux chants de la nuit bavarde.

Tu leur diras, aux siens,
qu'elle est ton nom,
dans la splendeur soudaine d'une aube,
dans le repli d'une batha,
dans la subtilité liquide d'un marigot,
tu leur chanteras qu'elle est fille des nuages,
fille des mots fantômes.
Tu leur raconteras qu'elle porte l'amour,
l'amour,
l'amour

Tu écriras dans la poussière des pistes,
tu écriras qu'elle a la couleur ocre de ses mémoires,
qu'elle a enfanté des rêves,
des petits d'homme auxquels elle a soufflé son nom matrice.
Tu leur diras, tu leur diras, les campements,
qu'elle est sang et chair, sang
sang

Tu leur raconteras qu'elle est fille des rencontres,
fille métisse, fille racines, fille mangue, fille datte,
tu leur diras qu'elle dort dans la calebasse des mondes,
qu'elle est le lait qui court sur la peau,
tu leur diras qu'elle est yeux ouverts, tes yeux,
tu leur diras qu'elle porte ton nom,tes noms, tes incantations,
tu leur raconteras, aux siens, qu'elle dort sous les pierres des cimetières,
dans la prière de ceux qui restent et espèrent.

Tu inscriras à leurs regards brûlés, ton nom,
mon nom,
leurs noms

Et, dans l'infini qui est, tu deviendras pays intime....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Frédéric Hebraud)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire