emperlée au bout de mes doigts
Je la prie, la déroule, la récite,
grain après grain,
Je la porte en livres, en vers, en chants,
tatouée sur mes épaules
Je la danse, l'empoigne, la caresse
fil de laine après fil de laine,
Du fond des nuits froides je la tire
la rappelle au bord de mes cils
je lui raconte les soleils
et la mer et les hommes,
les enfants et les femmes,
les vieillards accroupis,
les mendiants en aumône
Je la tisse, je l'ouvre, je la lis
j'épèle les matins dans les chants des mosquées
les notes lourdes
les prières murmurées
Je raconte les plis, les dunes, les arbres, le Fleuve
les voix dans la poussière
j'écris
je tamise les vents, j'attrape les lettres
je fais de ses voix des grands larges des draps froissés,
à l'odeur de l'amour
Je prends l'homme par la main, je le roule sur mes flancs
et je gravis les sentiers des caravanes
je me pends au cou des chameaux, je bois les larmes de leurs yeux
je pose ma tête sur leurs cous et je m'endors
Je chante ma terre, mes terres, les pourpres des réveils,
je suis le paysan arrimé à la terre, mains puissantes
dos courbé
Je nage dans ses eaux, je suis pêcheur, habitant du monde de là bas
j'ai le corps poisson, le corps sirène, le corps abysses, le corps pirogues,
en éclats liquides
Je suis fille des nuages, je poursuis les rêves fous aux yeux brûlés
et les poèmes et les temps infinis
j'ai la couleur de mes chemins
Je suis rahla, je suis jehfa, je suis homme, je suis femelle,
Je suis dguig
Je suis lait
Je suis tassoufra
Je suis musique, je suis Nqaymish, je suis noire, je suis blanche
Je suis les 4 points cardinaux et la rose des sables
Je suis ébène, je suis coquillage
Je suis voiles
Je suis dialdiali
Je prends la femme par la main, j'enfante, je crie la délivrance
et je donne au ciel mon ventre ravagé
je me couche contre son sein
je deviens mère
Je suis femme des immensités
je suis femme sable
je suis femme thé
je suis femme divinations
Je pose mes paumes à l'orée des bathas
je tourbillonne au son de la flûte
je prends les mots des griots et je déchire la pluie d'hivernage
Je porte ma terre,
voyageuse éternelle en absolu d'immortalité
Je l'inscris sur les murs du monde en mes langues chantonnées
Je suis fille de tous les royaumes.....
Mariem mint DERWICH
(Artiste : Sidi Yahya)
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