vendredi 2 janvier 2015

Ma terre




















Je porte ma terre
emperlée au bout de mes doigts

Je la prie, la déroule, la récite,
grain après grain,

Je la porte en livres, en vers, en chants,
tatouée sur mes épaules

Je la danse, l'empoigne, la caresse
fil de laine après fil de laine,

Du fond des nuits froides je la tire
la rappelle au bord de mes cils
je lui raconte les soleils
et la mer et les hommes,
les enfants et les femmes,
les vieillards accroupis,
les mendiants en aumône

Je la tisse, je l'ouvre, je la lis
j'épèle les matins dans les chants des mosquées
les notes lourdes
les prières murmurées

Je raconte les plis, les dunes, les arbres, le Fleuve
les voix dans la poussière
j'écris
je tamise les vents, j'attrape les lettres 
je fais de ses voix des grands larges des draps froissés,
à l'odeur de l'amour

Je prends l'homme par la main, je le roule sur mes flancs
et je gravis les sentiers des caravanes
je me  pends au cou des chameaux, je bois les larmes de leurs yeux
je pose ma tête sur leurs cous et je m'endors

Je chante ma terre, mes terres, les pourpres des réveils,
je suis le paysan arrimé à la terre, mains puissantes
dos courbé

Je nage dans ses eaux, je suis pêcheur, habitant du monde de là bas
j'ai le corps poisson, le corps sirène, le corps abysses, le corps pirogues,
en éclats liquides

Je suis fille des nuages, je poursuis les rêves fous aux yeux brûlés
et les poèmes et les temps infinis
j'ai la couleur de mes chemins

Je suis rahla, je suis jehfa, je suis homme, je suis femelle,
Je suis dguig
Je suis lait
Je suis tassoufra
Je suis musique, je suis Nqaymish, je suis noire, je suis blanche

Je suis les 4 points cardinaux et la rose des sables
Je suis ébène, je suis coquillage
Je suis voiles
Je suis dialdiali

Je prends la femme par la main, j'enfante, je crie la délivrance
et je donne au ciel mon ventre ravagé
je me couche contre son sein
je deviens mère

Je suis femme des immensités
je suis femme sable
je suis femme thé
je suis femme divinations

Je pose mes paumes à l'orée des bathas
je tourbillonne au son de la flûte
je prends les mots des griots et je déchire la pluie d'hivernage

Je porte ma terre, 
voyageuse éternelle en absolu d'immortalité

Je l'inscris sur les murs du monde en mes langues chantonnées

Je suis fille de tous les royaumes.....

Mariem mint DERWICH

(Artiste : Sidi Yahya)





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