vendredi 11 août 2017

L'homme qui regarde la mer...











J'ai pris tous les vents, toutes les vagues,
tous les sels et tous les bateaux,
tous les noyés et celui qui dort sous l'eau
J'ai pris les mirages, les horizons,
tous les horizons, ceux que l'on attrape et ceux qui s'enfuient

J'ai mis dans ma bouteille les mots des vagues,
tout le ciel, tous les nuages, toutes les voiles,
bâbord, tribord,
les chansons des marins, tous les quarts, toutes les veilles,
les chansons des côtes et les chansons des îles

J'ai mélangé les couleurs, toutes les brumes,
tous les regards, tous les confins, toutes les routes,
tous les détroits, tous les noms étranges qui sont alphabet de la mer,
et l'homme qui dort sur le sable
J'ai enfermé dans un coquillage tous les contes,
tous les murmures

J'ai fermé les yeux pour entendre une voix me raconter tous les phares,
tous les ports, toutes les nuits, les étraves qui ouvrent une femme,
toutes les amarres et toutes les cornes de brume,
les bruits des cordages, tous les sons,
et l'homme qui regarde la mer

J'ai rendu aux atomes toutes les vagues, tous les embruns,
toutes les odeurs, tous les oiseaux des continents d'eaux,
tous les cris, tous les rires, tous les appels,
toutes les solitudes face à ce qui se dérobe
et l'homme qui tutoie les ailleurs

J'ai pris tout ça et plus encore,
tellement plus
j'en fait ma chanson pour un marin
un bout de terre qui invente un continent lointain
deux mains qui prient, ouvertes,
deux mains qui aiment, fermées,

J'ai offert ma peau,
moi la femme du bout du quai,
pour qu'un homme des grands larges, 
homme des bordées, homme des îles,
homme des infinis qui naissent et renaissent en archipels,
écrive jusqu'au bout de son souffle
que l'amour est mer

Et quand il aura rempli tout l'espace de mon corps
mots après mots,
j'inventerai d'autres chemins de moi
des bouts de mains, des bouts de paupières,
des pages blanches
des plages vierges

Et l'homme qui parle à la mer
se déploiera Océan
Je deviendrai alors sillages et écumes

Et une musique ouvrira le monde

Nous.

Mariem mint DERWICH

(Artiste, William TURNER)



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