dimanche 1 janvier 2017

Ma lettre infinie....

Un jour je te dirai que je t'écris depuis tant d'années, tant de siècles, tant de présents, tant de futurs. Que tu as  été dans mon écriture quand tout allait de travers. Que tu as  été cet homme inconnu mais qui m'accompagnait, qui m'aidait à tenir.
Je te  dirai que je n'ai pas plié, jamais. Que je fus parfois brisée physiquement, implosée moralement . Que j'ai pleuré, pleuré, que j'ai soigné les bleus et les os cassés, que j'ai ravalé ma colère, que j'ai serré les dents et que j'ai fermé mon poing - tenir, tenir- par delà la peur, par delà la nausée permanente... Que je parlais à cette silhouette que tu étais, cette présence fantôme qu'une petite fille en mal d'être femme tissait patiemment, s'inventait pour respirer. Que j'ai eu peur, tellement peur. Que j'ai appelé au secours parfois. Que j'ai eu mal, mal à en crever. Je te dirai la lassitude et les cachets que l'on avale, le grand trou noir, la fin si douce. Je te dirai les médecins qui vous obligent à vivre, qui vous obligent à regarder, à vous souvenir que vous avez des enfants, des enfants petits, je te dirai cet homme dont je ne me rappelle que le regard bleu, une sirène en bruit de fond, accroché à mon regard et qui disait " Regardez moi, ouvrez les yeux, ne quittez pas mon regard, je suis là, regardez moi, regardez moi", cette sensation d'être secouée, tout ce bruit, la douleur sur ma peau et moi qui parlais dans ma tête " laissez moi tranquille, je suis bien" , moi dont le regard, paradoxalement, ne quittait pas ces yeux bleus d'un pompier anonyme...
Je te dirai que je suis allée au delà de la falaise, loin, si loin. Et que je suis revenue, fille de rien, femme à personne, étrangère à moi-même.
Je te dirai pourquoi je suis restée, spirale de peurs... Parce qu'il faut expliquer.
Et je continue à te parler. Tu es arrivé. Tu as mis le temps pour arriver. Tout ce temps de solitudes.
Fille de rien, femme à personne...Femme ne possédant que ce poing serré, fermé, douloureux.
Puis tu es venu et tu m'as dis " Tu m'as moi".
Dans la pénombre d'un instant parfait, fragile, tu as ouvert tes bras et j'ai laissé s'ouvrir ma peau et la carapace.
Je te dirai, dans une autre pénombre, dans un autre instant parfait et fragile, que tu m'as fait renaître neuve.
Et dans cette autre pénombre, dans cette autre fragilité, à ton corps allongée, je t'écouterai. Je prendrai cet homme immense que tu es, tes doutes, tes batailles, tes guerres de tranchées, tous ces toi qui te font, que tu lies désespérément, pour que ta vie, ton édifice ne s'écroulent pas, hanté par une vie antérieure et une autre bataille.
Je te dirai que j'ai pris tes cicatrices, tous tes silences qui te sont respirations et paix. Que je t'aime pour tes marques, tes peurs, tes intensités, tes murmures, tes silences, les musiques que tu accroches à mes oreilles, tes histoires d'ailleurs, tes yeux, ta bouche, ton goût, tes pensées. Mon homme posé entre mes mains et qui frémit sous mes lèvres.
Je t'écrirai par-delà tout.
Je te dirai encore et encore cet espace terrible entre nous, les manques de mon corps, mes yeux qui deviennent aveugles, ce sentiment amoureux profond, venu si vite et, pourtant, si complet.
Je te dirai les mots de l'amour, les mots du désir, les mots venus des profondeurs, ceux qui sont couleurs. Je te dirai mes ici, ta voix qui fait de moi une corde tendue, un corps frissons.
Je te dirai ce coup dans mon ventre quand je te vois, cette onde qui m'envahit.
Je te dirai que tu m'es tableau.
Je continuerai à t'écrire pour te parler, pour que tu m'entendes, pour que je t'entende, souffle après souffle, présence permanente.
Je t'écrirai pour te dire, te dire, te dire que mon corps est resté sous le tien, sous tes mains, dans ton odeur, sous ta bouche, ouvert à toi. Qu'il n'est plus que cet animal fait eaux et vagues, houle... Qu'à la mer je suis retournée. Je te dirai les mots de l'envie, les mots du sexe, les mots de l'amour...
Ce sera ma lettre infinie, mon émerveillement, ma fulgurance...
Je t'écrirai pour te murmurer, à mon tour, " Tu m'as moi".
Tu m'as dessinée papillon...

MMD

(Artiste Carol Carter)

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