mardi 14 février 2017

Solitude

Combien d'écriture pour combien de solitudes? Combien de mots pour rendre perceptible et supportable ce qui est insupportable?
Combien de vies à tramer, à défaire, à refaire?
Ma vie tient dans une valise. Cette dernière est un monde en soi. Ma vie d'escales, de hoquets...
J'ai posé ma valise par terre et je la regarde. Elle est presque mot ma valise de bric et de broc.
J'y ai enfoui mes rêves. J'ai refermé sur elle tout ce que je n'aurais jamais, tous ces riens qui font les heures, qui permettent de se lever le matin, de regarder le soleil en face sans ciller, sans baisser les yeux.
J'ai porté ma valise tout au long de mes routes. Elle est ma dernière valise. Celle des désespoirs et des solitudes.
Elle a un goût amer ma valise. Elle est juste là, témoin de mes fuites.
Elle et moi sommes prisonnières. Je vole mais personne ne le voit. J'écris mais personne ne l'entend. Je voyage mais personne pour être.
Combien d'écritures, de déserts? A chaque minute qui passe il faut combien de mots pour que le temps s'adoucisse?
Je ne sais plus écrire. Ma valise a mangé mes mots. 
Je ne sais plus où aller. Je n'ai plus que cette valise qui ricane doucement...
Pleurer, pleurer... A force de tant d'eau peut-être finirais je par disparaître complètement, lavée effacée, trace disparue.
Retrouver le bord de la falaise, longer le vide, regarder par delà et s'envoler... Paix.
Et cette terre du bout du monde qu'est l'écriture comme seule manière de me poser.
Être rien c'est comme être tout, une trace, simple trace.
Ce soir mon écriture rêve à toutes ces normalités, tant ait que l'on puisse définir une normalité. Mais la fuyarde terriblement seule que je suis s'accroche à ce faux air de "tout va bien", quand les choses semblent être chacune à leur place, quand une banalité, un quotidien adoucissent les murs, quand on ne voit plus à force de s'oublier.
Je rêve, je m'imagine des familles heureuses, des enfants qui courent, une main qui effleure une épaule, des odeurs de cuisine, les gestes que l'on offre aux autres, des silences, des rires, des musiques, un lit qui attend, du linge qui traîne, des jouets éparpillés, un homme à regarder...
J'ai tout ceci dans ma valise posée là. J'ai soigneusement refermé cette valise. Que mes rêves ne partent pas. Je m'efface moi. Que eux restent. Ils sont la seule trace que j'ai vécu, que j'ai eu une mémoire et des "et si".
Ils sont mon "là bas".
Disparaître à soi dans une solitude tellement épaisse que j'en perds la respiration. Elle est comme une nuit. Je lui oppose mon écriture. Je ne sais rien faire d'autre qu'écrire. Je ne sais même pas aimer.
Je ne sais même pas...
Fille de rien, femme à personne... Étrangère. Inapte à la vie, inapte à l'amour, inapte...
A force de crier au plus profond de moi peut-être que j'arriverais à briser les murs et cette pièce et ma valise...
Peut-être....
Et m'endormir...
Solitude. Corps inutile. Voix inutile. Moi inutile.
Mourir c'est ça : être inutile...

MMD

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